Tokyo revisitée

Les cadavres lui foutaient toujours un peu les jetons, ce qui m'a toujours semblé surréaliste. Un mort est calme, silencieux, parfaitement immobile, parfaitement inoffensif. Jamais il ne bougera, ne rira ni ne jugera. Jamais il ne vous criera dessus, ne frappera ou ne vous jugera. Un cadavre, en réalité, c'est l'ami parfait.
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Roman - Noir

Tokyo revisitée

Historique - Assassinat - Cold case MAJ samedi 18 juin 2022

Note accordée au livre: 5 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 22 €

David Peace
Tokyo Redux - 2021
Traduit de l'anglais par Jean-Paul Gratias
Paris : Rivages, mars 2022
430 p. ; 23 x 16 cm
ISBN 978-2-7436-5575-4
Coll. "Noir"

Cold case ferroviaire

1949. Tokyo est occupée par l'armée américaine à la suite de la défaite du Japon. Dans cette métropole abattue, en proie à la misère, à la maladie, à la famine et au racisme, le corps du nouveau président des chemins de fer japonais est retrouvé éparpillé aux abords d'une voie ferrée. Suicide ? Assassinat ? La question se pose tant Sadanori Shimoyama était détesté par ses propres employés, dont les Américains voulaient le forcer à licencier une grande part, et tant ce poids lui pesait. Voyant, dans ce qui leur apparaît comme un assassinat, l'œuvre des communistes, les occupants lancent sur l'enquête un flic du Montana, assisté de la police japonaise. En vain. Quinze ans plus tard, un auteur travaillant sur l'affaire disparaît à son tour et son éditeur engage un détective privé japonais pour le retrouver. Et, pour finir, quarante ans après la mort de Shimoyama, c'est un ex-agent de la CIA devenu traducteur qui se lance à son tour sur l'enquête. À travers le temps, ces trois hommes possédés par leurs propres démons vont tenter de percer les mystères de ce Japon d'après-guerre tout en essayant de ne pas perdre pied.

Avec Tokyo revisitée, David Peace met un point final à sa trilogie japonaise, dont le deuxième volume était paru il y a tout de même douze ans. Un délai qui avait pu faire craindre que l'auteur britannique ait fini par se perdre à son tour dans les énigmes du passé de son pays d'adoption, mais que ce nouveau volume (indépendant comme les deux précédents, le terme de trilogie étant ici à prendre au sens de thématique) vient justifier amplement. Car David Peace n'est pas, loin s'en faut, un auteur facile. Styliste passionnant, il adore triturer la langue, l'écriture, et donner à chaque phrase de ses textes une raison d'exister. Comme son confrère et modèle James Ellroy dont il admet volontiers l'influence sur son propre travail, il n'a de cesse de pousser le lecteur à avoir une part active. À travers des phrases scandées, des répétitions, un rythme incantatoire qui appelle à une lecture à voix haute, il mêle le réel et le fantasme, les voix des vivants comme les souvenirs des morts dans un dédale de pistes où l'on se perd aussi souvent que ses protagonistes. Sans la moindre concession ni facilité, David Peace décortique le crime, la société, une humanité en ruine et les rapports complexes entre occupant et occupé, vainqueur et vaincu, à partir de trois époques judicieusement choisies (la défaite, l'organisation des jeux Olympiques de 1964 et la mort de l'empereur) et plus qu'une reconstitution de l'un des cold cases les plus célèbres du Japon, se livre à un formidable roman d'ambiance : moite, poisseuse, hantée, qu'il serait vain de tenter de raconter, car chacun y trouvera ce qu'il est prêt à laisser de lui-même. Un roman exigeant, complexe, mais qui achève d'inscrire la "Trilogie japonaise" au firmament du roman noir.

Citation

Harry Sweeney joint les mains. Il lève les mains jusqu'à son visage. Il incline la tête. Il ferme les yeux. Au milieu du siècle pour les Américains, au cœur de la nuit en Amérique. Agenouillé dans sa chambre, sa chambre d'hôtel. La pluie qui frappe aux carreaux, la pluie qui tombe dans la nuit.

Rédacteur: Jean-François Micard samedi 18 juin 2022
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