Toutes les couleurs des ténèbres

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mardi 19 mars

Contenu

Roman - Policier

Toutes les couleurs des ténèbres

Assassinat MAJ vendredi 30 décembre 2011

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 19,9 €

Voir plus d'infos sur le site polarmag.fr (nouvelle fenêtre)

Peter Robinson
All the Colours of Darkness - 2008
Traduit de l'anglais par Valérie Malfoy
Paris : Albin Michel, mars 2010
400 p. ; 22 x 15 cm
ISBN 978-2-226-20828-6
Coll. "Spécial suspense"
Les Enquêtes de l'inspecteur Banks, 18

Ce qu'il faut savoir sur la série

Las de la vie londonienne, l'inspecteur Alan Banks a demandé sa mutation à Eastvale, dans le Yorkshire. Marié à Sandra, il est père de deux adolescents, Brian et Tracy. Très intuitif, il n'hésite pas à braver la procédure pour mener ses enquêtes. Grand amateur de whisky de qualité, il aime aussi la bière "du cru". Mélomane, il goûte autant le classique que le pop-rock de sa jeunesse. Sa situation familiale évolue au fil de la série (il va divorcer, ses enfants vont quitter le bercail - Tracy ira à l'université, Brian intégrera un groupe de rock - et lui connaîtra diverses liaisons épisodiques...) D'un roman à l'autre, il incline de plus en plus à s'abandonner aux souvenirs et à la nostalgie...
Côté professionnel, il gagnera le galon d'inspecteur-chef; à ses côtés, on suit quelques-uns de ses collègues, personnages récurrents qui eux aussi évoluent - par exemple le superintendant Gristhorpe, avec qui il entretient une certaine amitié, partira à la retraite...

Yorkshire barbouze

Il ne porte ni lunettes noires, ni fausse barbe mais une soixantaine jeune et alerte, élégante, tout en raffinement distingué, quasi aristocratique. Enfin... il portait car, lorsque Lawrence Silbert apparaît pour la première fois dans le récit, c'est à l'état de cadavre atrocement meurtri, défiguré à coups de batte de cricket. Dire que les policiers venaient lui annoncer "une triste nouvelle" selon l'une des formules consacrées – la mort de son compagnon Mark Hardcastle, trouvé pendu à Hindswell Woods... Deux scènes de crime pour le prix d'une... cela suffit à la commissaire Gervaise pour exiger d'Annie Cabbott qu'elle rappelle immédiatement Alan Banks à Eastvale. C'est ainsi que prend brutalement fin le bref congé que l'inspecteur-chef passait à Londres dans les bras de sa nouvelle amie Sophia, avec qui s'était amorcée une relation à la fin de L'Amie du diable... De plus, il s'avère que Lawrence Silbert, fils de "la célèbre Edwina Silbert […] qui a lancé la chaîne de boutiques Viva dans les années soixante", travaillait pour le MI6. Des œufs en perspective sur lesquels il faudra s'avancer avec prudence – beaucoup de prudence...

Il convient donc de s'en tenir aux premières conclusions : cette affaire n'est rien autre qu'un crime passionnel suivi d'un suicide. Mark Hardacstle a massacré son amant sous l'emprise d'un accès de jalousie puis est allé se pendre, ravagé de remords. Mais Alan Banks ne l'entend pas ainsi. Justement parce que le fameux sigle de l'agence de renseignement surgit au détour de l'enquête. Ensuite parce que des indices le tracassent qui pourraient bien signaler l'implication de Derek Wyman, le metteur en scène de la troupe de théâtre amateur locale dont Hardcastle était le décorateur. Alors il poursuit ses investigations, en dépit des ordres de la commissaire Gervaise qui, elle-même soumise à des pressions "venues d'en haut", finit par le contraindre à prendre des vacances. Un congé des plus opportuns que Banks mettra à profit pour aller enquêter à Londres tout en s'assurant l'appui secret d'Annie et du brigadier Winsome Jackman, officiellement chargées de boucler un dossier de petite délinquance urbaine.

Comme de coutume dans cette série policière, l'enquête progresse essentiellement à travers de longs dialogues – interrogatoires officiels ou officieux, conversations privées... et l'on retrouve avec un plaisir inchangé les petites pointes d'humour, l'écriture intimiste de Peter Robinson qui sait si bien faire affleurer les émotions des personnages. L'on apprécie tout particulièrement ici la façon dont les éléments nouveaux surgissent pour épaissir le mystère au lieu d'apporter les lueurs et, plus encore, le climat caractéristique de roman d'espionnage qui est peu à peu installé. Banks se sent observé mais ne parvient pas à identifier ses "anges gardiens" ; la présence d'agents quasi invisibles qui agissent et pèsent sur les personnages devient de plus en plus oppressante – "ils" investissent le bureau d'un détective privé et emportent tous ses dossiers, "ils" pénètrent dans l'appartement de Sophia qu'ils mettent à sac... La mesure – au sens musical du terme – avec laquelle cette pression à la fois tangible et insaisissable d'une toute-puissance obscure est instillée dans la narration s'accorde à merveille avec le rythme narratif propre aux enquêtes d'Alan Banks, qui demande au lecteur de lire chaque roman comme s'il arpentait un paysage.

Après avoir, je l'avoue, bâillé un peu en découvrant une scène de crime en incipit puis en rencontrant le motif si souvent convoqué du flic opiniâtre qui continue à enquêter malgré les recommandations de ses supérieurs et à qui l'on ordonne de "prendre des vacances", je me suis laissée happer par cette intrigue qui progresse très lentement, par ces longues descriptions d'objets, de décors, au point d'avoir souvent du mal à interrompre ma lecture. Et une fois le livre fermé, j'ai réalisé que je venais de lire l'une des meilleures enquêtes d'Alan Banks – je veux dire l'une de celles qui a opéré sur moi le charme le plus insidieux... Non que l'affaire criminelle soit particulièrement retorse et complexe mais la manière dont est conduite la narration est un délice de lenteur et de subtilité. Quant à la fin qui fleure si fort le parfum des défaites en dépit des explications données, elle est magistrale dans sa dilution même...
Peter Robinson paraît avoir atteint ici un niveau de maîtrise narrative qui lui permet de construire une intrigue prenante sans avoir besoin de recourir à ces architectures doubles dont il a souvent usé ni à ces va-et-vient entre passé et présent à l'intérieur du temps fictionnel qui fondent nombre de ses romans. Et nous autres lecteurs d'espérer lire encore de nombreuses enquêtes d'Alan Banks pourvu qu'elles soient de cette trempe – tout en finesse et qui vous prennent dans leurs rets tandis qu'elles paraissent s'enliser.

Citation

Banks sentit qu'il éveillait sa méfiance, que son subterfuge était aussi faiblard qu'un programme politique.

Rédacteur: Isabelle Roche lundi 29 mars 2010
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