De larmes et de haine

Les trafiquants filent à 200 à l'heure sur les autoroutes qui zèbrent l'Espagne, et quand ils garent leurs BM dans les sous-sols du quartier, ils sont accueillis comme des héros par des mômes de douze ans qui ne rêvent que d'une chose, être un jour à leur place, brûler le pognon et niquer tout ce qui bouge.
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Roman - Policier

De larmes et de haine

Social - Guerre - Presse MAJ vendredi 25 août 2023

Note accordée au livre: 4 sur 5

Poche
Inédit

Tout public

Prix: 12,5 €

Bruno Jacquin
Pau : Cairn, juin 2023
304 p. ; 18 x 12 cm
ISBN 979-10-7006-241-8
Coll. "Du noir au Sud"

Respiration de la haine

Juin 1940. La belle ville de Bordeaux se réveille à l'heure allemande. Un jeune garçon du nom de Shlomo Kozlowski croise certain maréchal en jouant dans la rue. Quelques jours plus tard, le gouvernement s'installe sur les bords de la Garonne, faisant de Bordeaux la nouvelle capitale éphémère. Ce même brave maréchal incite les Français à accepter l'Occupation et capitule officiellement quelques jours plus tard. Le gouvernement refait ses bagages et part pour Vichy... Et bientôt commencent les persécutions antisémites. Le père de Shlomo est arrêté, sa famille expulsée de son commerce de chapeliers. Bientôt, ce sera une arrestation musclée menée par l'inspecteur Jacques Bonnaffé, l'un des bons petits soldats de la collaboration. Mais l'enfant réussit à mordre le milicien, lui arrachant un bout d'oreille. Sauvé par un juste cheminot, Shlomo ne connaîtra pas le sort de milliers d'autres soumis à la "solution finale" par les barbares. C'est alors que Shlomo passe la guerre la rage au ventre, attendant d'avoir des nouvelles de ses parents, qui s'avèrent morts à Auschwitz, et de Bonnaffé - pas de chance, en 1945, le cadavre du milicien est découvert au bord d'un étang. Heureusement, les deux justes qui ont sauvé Shlomo lui offrent ce qui se rapproche le plus d'une famille aimante. L'histoire devrait en rester là, mais... Shlomo Kozlowski a gardé le prénom de Michel, qui lui a sauvé la vie, et a participé au procès du tristement célèbre Maurice Papon en 1997... Seulement voilà, un jour, Kozlowski croit reconnaître Bonnaffé, sa némesis tant haïe. Fait-il sens de remuer le passé quatre-vingts ans plus tard ? Oui, car Bonnaffé pourrait fort bien avoir participé à un autre pogrom en 1961... La journaliste Leïla Laoudi, pourfendeuse des brutalités policières, va s'intéresser de près à cette histoire. Car en dépit de la défense inconditionnelle des "forces de l'ordre", elle découvre tout un faisceau de preuves... Mais qui s'intéresse encore à la justice de nos jours ?

Nous l'avons déjà dit, la collection "Du noir au Sud" des éditions Cairn (165 titres au compteur...) EST devenue la grande collection de poches princeps que l'on attendait, descendante de "Spécial-Police" ou de la "Série Noire" lorsqu'elle ne se la jouait pas encore "premium". En témoigne ce roman ambitieux brûlant d'actualité à l'heure où la peste brune s'étale partout avec face à elle l'habituelle lâcheté (ou complaisance) ordinaire. On sent l'ancien journaliste dans la façon dont la réalité se mêle à la fiction avec une gestion remarquable du contexte qui ne se perd jamais dans la "fiche wikipédia". Une de ces histoires banalement ordinaires qui ferait un article vite oublié dans les journaux et qu'on dissèque en brassant plusieurs époques. Il eût été tentant d'en faire un brûlot militant, mais l'auteur est trop intelligent pour ça : toute sorte de petites touches bien amenées montrent un monde refusant la facilité du manichéisme. Le tout jusqu'à un épilogue ironique profondément satisfaisant. Et au lieu de céder à la tentation du gros pavé, l'auteur réussit à faire tenir cette histoire presque épique en moins de trois cents pages, sans jamais ni s'étirer, ni faire trop court. Faut-il en conclure que vous savez ce qu'il vous reste à faire ? De "grands romans" installés ayant l'honneur des têtes de gondole ne vous en offrent généralement pas autant, et à des tarifs prémiums, eux. À vous de voir...

Citation

Le 1er juillet, les premières interdictions, contraintes et mesures vexatoires pleuvent sur Bordeaux et ses habitants. Et le soir même, à vingt-trois heures, l'horloge de la cathédrale Saint-André est avancée d'une heure. Bordeaux se cale sur Berlin. Deux jours plus tard, seul le drapeau à croix gammée flotte sur tous les édifices officiels et sur les principaux axes et carrefours.

Rédacteur: Thomas Bauduret vendredi 25 août 2023
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