L'Assassinat de Joseph Kessel

Rien ne laisse deviner toute cette détresse depuis l'extérieur de ce camp qui longe une route rarement empruntée. Une départementale qu'on évite à moins que le GPS nous y oblige et un décor qu'on prend soin de ne pas voir quand on le croise parce que c'est désagréable de se figurer ce qu'il y a derrière. De toute façon, ça dépasse l'imagination.
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Roman - Noir

L'Assassinat de Joseph Kessel

Politique - Historique - Enquête littéraire MAJ mardi 21 juin 2022

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 16,9 €

Mikaël Hirsch
Paris : Serge Safran, août 2021
156 p. ; 19 x 13 cm
ISBN 979-10-90175-82-2
Coll. "Littérature"

Makhno K.-O.

En à peine cent cinquante pages, Mikaël Hirsh fait ressurgir un Paris politique, idéologique, utopique et anarchiste en retraçant les pérégrinations d'un héros ukrainien tombé en disgrâce et jeté en pâture à un écrivain en recherche d'un sujet. L'histoire se déroule en 1926. Plus précisément un 19 juin au soir dans un Paris de l'entre-deux-guerres hanté par les Russes blancs qui ont fui un pays tombé, lui, aux mains des Bolcheviques. L'anarchiste ukrainien Nestor Makhno, qui a côtoyé les sommets, est un réfugié claudiquant comme les autres. Haï par sa femme, blessé par l'Histoire, il traque un certain Joseph Kessel pour l'assassiner. Le tort de Joseph Kessel c'est d'avoir écrit la même année Makhno et sa juive, un roman dans lequel il décrit l'anarchiste ukrainien comme un être sanguinaire et antisémite. Pour Makhno, il ne reste donc qu'à laver dans le sang son honneur. Les deux hommes se retrouvent attablés à une taverne. On suit les pensées criminelles de l'un tandis que les élucubrations expansives de l'autre servent de contre-point dramatique. Dans le même temps, Mikaël Hirsch déroule un pan historique avec une plume classique. Il se permet quelques ficelles intéressantes en prenant du recul sur l'époque. Et puis dans une dernière partie, on reprend pied dans le présent à regret car on était bien dans ces années folles. Il faut dire que, hormis si on est traqué par Makhno qui conserve une arme de petit calibre dans la poche de sa veste élimée, le Paris de l'époque est magnifié. Surtout, la ville est parcourue par des personnages hauts en couleur de Cocteau à Malraux (que l'on croise à plusieurs reprises et même une fois dans une fumerie d'opium), avec de la folie et des idéologies. Et le propos de l'auteur de L'Assassinat de Joseph Kessel se mue aussi par petites touches en un pamphlet fictionnel qui explique les raisons d'un autre assassinat, celui de l'anarchisme, et comment des gens comme Joseph Kessel ont été (peut-être malgré eux, sûrement par fainéantise) les vecteurs d'une propagande soviétique anti-anarchiste alors que la République anarchiste d'Ukraine a bel et bien existé, véhiculant son lot d'utopie (une utopie que le communisme se devait de combattre). À travers tout ça, c'est bien un mouvement (certes disparate) qui tombera en désuétude alors que pendant près d'un demi-siècle il aura été le courant politique dominant. Le grand mérite de Mikaël Hirsch c'est bien de donner vie et corps à un personnage digne d'un roman de Pierre Mac Orlan. De le voir avec ses pensées meurtrières, sa haine, ses regrets, ses victoires et ses échecs, et de penser avec lui que l'Histoire retient principalement les échecs puisque écrite par les vainqueurs. Et le personnage de ce roman n'échappe pas à sa destinée défaite. Une belle plume, une jolie histoire mélancolique et emplie de regrets idéologiques et romanesques.

Citation

On ne devrait jamais boire avec les gens qu'on va tuer.

Rédacteur: Julien Védrenne mardi 21 juin 2022
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