La Tempête qui vient

Un qui ne sait trop ce qu'il faut penser de ce feuilleton à la mords-moi-le-neurovégétatif, c'est votre San-Antonio bien-aimé [...] Quel salmigondis !
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mardi 19 mars

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Roman - Noir

La Tempête qui vient

Historique - Braquage/Cambriolage - Corruption MAJ lundi 18 novembre 2019

Note accordée au livre: 5 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 24,5 €

James Ellroy
This Storm - 2019
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Jean-Paul Gratias, Sophie Aslanides
Paris : Rivages, novembre 2019
698 p. ; 23 x 16 cm
ISBN 978-2-7436-4889-3
Coll. "Noir"

Symphonie urbaine

Le titre de ce nouveau roman de James Ellroy, par ailleurs deuxième volet du "Second quatuor de Los Angeles", fait référence à un poète anglo-saxon et à une phrase clé de l'un de ses poèmes, qui revient régulièrement, comme un leitmotiv, toute au long de l'ouvrage. Mais le leitmotiv fait partie d'un système musical, et l'on sait déjà le rapport étroit que l'auteur a avec la musique, un rapport viscéral dont il se sert pour nous imposer son style de manière forte et prenante. Après des références plus "modernes" musicalement, il en vient ici à la musique plus classique. Et l'un des compositeurs qui a le plus utilisé, ou donné ses lettres de noblesse, au leitmotiv, c'est évidemment Richard Wagner et l'on imaginera parler de lui et de ses travaux au long du roman, à travers un personnage qui revient plusieurs fois dans l'intrigue : Otto Klemperer.

Il se trouve qu'Otto Klemperer est à la fois un Allemand, mais aussi un réfugié politique vivant en Californie durant la guerre et, cependant, il est aussi proche des mouvements gauchistes et communistes européens (dans ce roman, il se prépare à diriger une symphonie passée clandestinement depuis la Russie). Il se trouve qu'Otto Klemperer est également l'organisateur de gigantesques fêtes dans sa maison, des fêtes où se concentre le gratin intellectuel de l'État, des policiers, des femmes fatales et des soirées cinéma où Orson Welles (même si James Ellroy le malmène quelque peu) voit diffuser des films pornos qu'il tourne secrètement. Ces fêtes reflètent bien l'emballement et les différents leitmotivs du livre - nazisme, communisme, convictions profondes ou de façade, humains titubants entre leurs idéologies, leur passion du lucre, leurs penchants sadiques, leur soif de pouvoir ou de richesses.
Il y aura donc plusieurs intrigues qui se chevauchent, se répondent, se contredisent, car chez James Ellroy même les alliés de circonstance qui poursuivent un but commun ne peuvent s'empêcher de se dévorer et de chercher à l'intérieur de leur plan commun une stratégie individuelle pour détruire l'autre. Ici, il sera question d'or, d'une cargaison d'or qui a disparu lors d'un transport de fonds en train, et de savoir où sont passés les lingots d'or. Des lingots pour financer une révolution improbable, des orgies, pour fabriquer des poignards en or que l'un ou l'autre des personnages brandit comme un phallus à droite et à gauche, juste pour les posséder tel un vulgaire nain dans la tétralogie wagnérienne. Il sera question d'un cadavre, découvert après une tempête et qui était peut-être le dernier "survivant" des voleurs originels. Difficile pour certains policiers corrompus, ange et démon à la fois chez James Ellroy, d'enquêter quand, en même temps, ils doivent cacher les débâcles et les faux indices d'enquêtes précédentes, quand ils doivent se promener le long de la frontière mexicaine pour surveiller d'éventuelles invasions d'espions japonais ou pour lier des relations avec des brigades fascistes de la police mexicaine. Sans parler du lucre : pourquoi ne pas utiliser les Japonais, arrêtés dans le cadre des suites de Pearl Harbour, afin de les faire travailler comme esclaves dans les plantations de Basse-Californie ? C'est un moyen pour les corrompus, les fascistes ou d'autres, de se faire un complément de salaire agréable. Surtout si l'on utilise un champion de la police scientifique, japonais lui-même et homosexuel, coincé entre les policiers qu'ils vénèrent, ceux qui peuvent apporter des preuves contre lui et ceux qui ont besoin de lui pour leurs propres magouilles. Toutes ces pistes (et bien d'autres) vont se téléscoper dans une description au cordeau où James Ellroy nous promène avec des chapitres non pas basés sur un personnage, mais sur une chronologie, ce qui fait basculer sans cesse d'un univers à l'autre, d'une description de cadavres de sous-mariniers japonais à une soirée mondaine puis à une relation amoureuse complexe, puis à un échange musclé entre un agent corrompu et un capitaine mexicain proche des communistes, à la recherche d'une ancienne cellule du parti communiste américain.

Tout s'entrechoque, se bouscule, fonce de-çi de-là, comme au cœur de cette tempête qui vient, qui ravale les collines pour faire apparaître un corps, pour jeter une pluie intense sur les corps de deux personnages, pour faire déraper le véhicule d'une jeune femme dans la voiture où se cachent des clandestins, transformés en bouillie. Le lecteur est au cœur de ce tourbillon, au milieu d'une symphonie qui explose, entre chaque instrument, les entendant séparément et indistinctement tout en comprenant la symphonie qui les réunit et les amplifie. Les personnages sortent de la tempête, mouillés et fatigués, comme le lecteur sort fourbu et lessivé d'une lecture intense, addictive (difficile de sortir du roman malgré son imposante masse tant on veut continuer à vivre et souffrir avec les personnages, à regretter la disparition soudaine de l'un ou de l'autre, à espérer une fin heureuse qui ne peut avoir lieu). Chaque roman de James Ellroy est un nouveau défi qu'il se donne et qu'il dépasse pour notre plus grand bonheur.

Citation

'J'étais ivre. C'était le jour de l'an. J'ai percuté une voiture et j'ai tué quatre Mexicains. Bill Parker en pince pour moi, et je suis sûre que vous devinez la suite.' Le Dr Nort fait oooh-là-là. Ashida serre les poings et braque sur Joan un regard NOIR.

Rédacteur: Laurent Greusard lundi 18 novembre 2019
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