Une fille comme les autres

On avait fait lire ces échanges à la pédopsychiatre. Elle était catégorique : l'imposteur était un adulte qui maîtrisait parfaitement l'art de la manipulation. Aucune faute de syntaxe et d'orthographe, mais le vocabulaire était choisi de façon à ce qu'une petite fille de onze ans ait l'impression de discuter avec une personne de son âge. Le ton était à la fois complice et directif. Solène, puisqu'ils ne pouvaient lui donner un autre nom pour l'instant, avait progressivement infecté l'esprit de Nadia.
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samedi 20 avril

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Roman - Noir

Une fille comme les autres

Psychologique - Huis-clos MAJ lundi 07 octobre 2013

Note accordée au livre: 4 sur 5

Poche
Réédition

Tout public

Prix: 7,7 €

Jack Ketchum
The Girl Next Door - 1989
Introduction de Stephen King
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Benoît Domis
Paris : Folio, septembre 2013
382 p. ; 18 x 11 cm
ISBN 978-2-07-045311-5
Coll. "Policier", 705

Mal au sourire innocent

Jack Ketchum a décidé, avec une intrigue simple et limpide, basée sur l'histoire vraie du meurtre de Sylvia Likens, d'entraîner le lecteur sur une piste savonneuse - celle du mal, de son existence, de sa continuité et des efforts que chacun peut faire pour lutter contre ou s'en accommoder. Le lecteur se trouve donc placé dans une position de mise en abyme où il devient le complice même de ce qu'il voit se passer sous ses yeux. L'écriture se renforçant dans le même temps par la force du "je" narratif, qui renvoie à l'un de ses protagonistes.
Une fille comme les autres, c'est tout d'abord l'histoire de la lente descente aux enfers d'une jeune fille de seize ans, placée dans une famille d'accueil, et qui va devenir le souffre-douleur, puis l'objet sexuel de nombreuses personnes. À travers ce schéma simple, l'auteur décrit avec soin la façon dont un groupe se constitue, comment il va choisir une victime, et comment lentement, naturellement, des jeux innocents deviennent de plus en plus sauvages par leur déroulement même. Même si ce ne sont que des comparaisons, le parallèle doit être dressé pour montrer la façon dont se propage les idées totalitaires, et comment l'on peut devenir en toute bonne conscience un tortionnaire ou un assassin.
Au second plan, l'histoire est racontée par David, un jeune homme, voisin de la famille infernale, et amoureux de la jeune fille qui va devenir une victime. Peu à peu, par besoin d'exister, par goût et parce que la situation est complexe pour lui, il va accepter de regarder, de voir les tortures, être coincé entre son désir de justice, de faire cesser les choses et son plaisir coupable de se repaître des souffrances, du jeu sexuel qui s'instaure. Le lecteur est, par la grâce du style de l'auteur (et aussi du travail de traduction), placé dans la même condition : je prends plaisir à lire la description, je suis complice des souffrances. Je lis des histoires de tueurs en série et je suis fasciné.
La préface de Stephen King montre bien la filiation avec un auteur américain, proche du quotidien, de l'enfance et de l'adolescence, au moment où le corps se dévoile, dans cette société rurale des années 1950-1960, où le temps est figé, où le mal ne se cache pas dans les forêts mais au plus profond des cœurs, où il peut surgir sans prévenir de l'inattendu. Cela fait de Une fille comme les autres une version populaire et sensible d'essais historiques ou philosophiques sur la banalité du mal (relisez Hannah Arendt) ou les parcours "ordinaires" des soldats allemands décrits par Christopher Browning. Un peu comme le rôle pervers de la fascination du Mal, que certains voient poindre dans les récits de tueurs en série, ou dans l'intérêt qui peut naitre chez certains - et qui est étrange et souvent incompréhensible et incompris - pour les exactions nazies ou les rites sadiens. C'est somme toute plutôt effrayant... et c'est là une grande réussite de Jack Ketchum !

Citation

La douleur, vous la voyez et vous l'engrangez. Et ensuite elle vous possède.

Rédacteur: Laurent Greusard lundi 07 octobre 2013
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