Flic ou caillera

Le roman ne prend pas du tout la tournure prévue. L'idée de départ était qu'il s'intitule Pi. Un titre tendance et qui promettait quelque chose à la fois de minimaliste et d'infini.
Gert Nygårdshaug - Le Bassin d'Aphrodite
Couverture du livre coup de coeur

Coup de coeur

Éclipse totale
Harry Hole a été exclus de la police, ce qui ne l'empêche pas de couler des jours heureux, bouteille ...
... En savoir plus

Identifiez-vous

Inscription
Mot de passe perdu ?

vendredi 29 mars

Contenu

Roman - Thriller

Flic ou caillera

Social - Assassinat - Urbain MAJ mardi 10 septembre 2013

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 16 €

Rachid Santaki
Paris : Le Masque, mars 2013
275 p. ; 20 x 13 cm
ISBN 978-2-7024-3839-8
Coll. "Grands formats"

À bout de souffle...

Saint-Denis. Ça commence par une exécution. Le narrateur se prend une balle dans le buffet. Out. Vingt-deux ans. Rendu à l'essentiel dans cet incipit qui est comme un long rap ébloui. Octobre 2005. Rappelez-vous : les émeutes de banlieues, ce paysage urbain dévasté, la police dépassée. Saint-Denis a cramé, mais pas autant que Clichy ou Anthony. Rappelez-vous : la rage emportait les banlieues françaises, devenues de vraies ghettos. Et Paris s'inquiétait. Sans trop s'intéresser à la misère crasse dans laquelle ces banlieues étaient plongées. Leur vie pétée de mauvais plans en galères, en passant presque toujours par la case prison.
À Saint-Denis, une jeune fliquette jolie, brillante, est chargée de maintenir l'ordre. Non pas contre le désordre précaire des révoltes car on a envoyé l'armée pour ça, les gardes mobiles. Non : l'ordre d'une ville livrée au chaos, celui des quartiers du boulevard Marcel Sembat plutôt que du quartier des Affaires. Najet, commissaire de la diversité dirait-on aujourd'hui stupidement. Fille d'un tapin et d'un flic algérien. Commissaire écœurée devant le nombre de ripoux qui peuplent les brigades de Saint-Denis. Piégée aussi, par ses origines, et contrainte d'enquêter sur une sale affaire de médocs pourris diffusés par la très officielle Agence du Médicament, des milliers de victimes à son actif, en toute impunité – comme souvent en France quand il s'agit de santé publique... Najet va contraindre Medhi de devenir son indic, un beur encore, voire de subtiliser à l'Agence où il bosse comme coursier un épais dossier sur lequel un avocat civil veut mettre la main pour dénoncer enfin publiquement ce scandale. Najet piége de fait Medhi, harcelé par le caïd de Saint-Denis depuis que son frère a voulu l'entourlouper.
Guetteurs, rabatteurs, les drogues saisies et détournées, c'est toute l'atmosphère des banlieues qui nous est restituée comme de l'intérieur dans ce polar intense. Du rôle des caïds de la drogue dans l'échec des révoltes banlieusardes, à la mauvaise conscience des flics issus de l'immigration qui n'oublient pas, ne peuvent oublier octobre 1961.
Novembre 2005. La banlieue Nord explose. L'État d'urgence va être décrété. L'État français avoue son impuissance et surtout, sa volonté de ne rien faire pour les banlieues. De fait, les caïds prennent le relais et règlent à leur manière cette parenthèse, irriguant de leur violence la ville des quartier abandonnés avec leur vie moche aux odeurs d'excréments et d'urine, cette vie collective tant abîmée par les parcours déchirés. Medhi, lui, se fera la belle, Saïd le caïd à ses trousses, Najet en embuscade pour le sauver peut-être du devenir insalubre qui l'attend : la vraie grosse misère pour tous, exceptée pour cette minorité qui s'en fout plein les poches. La vraie grosse misère, avec la langue pour seul réconfort, cette langue qui mine de rien a traversé de part en part la culture française, celle d'un rap qui fuse sans répit dans ce roman, une vraie baston de mots et d'inventions langagières qui auraient pris la mesure de l'inespéré de l'esprit du street art, quand la recherche du mur pour exister remplit seul les cases d'une identité refusée par la République. Au final, non pas un roman militant, mais un coup de poing, le surgissement d'une voix authentique car autre.

Citation

La seule fois où j'ai voulu quitter Saint-Denis, je me suis retrouvé percé par la violence qui m'a bercé.

Rédacteur: Joël Jégouzo jeudi 05 septembre 2013
partager : Publier dans Facebook ! | Publier dans
MySpace ! |

Pied de page