Nuit noire, étoiles mortes

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jeudi 28 mars

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Nouvelle - Policier

Nuit noire, étoiles mortes

Psychologique - Tueur en série MAJ mercredi 04 avril 2012

Note accordée au livre: 5 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 23,2 €

Stephen King
Dark Night, No Stars - 2011
Postface de Stephen King
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Nadine Gassie
Paris : Albin Michel, février 2012
482 p. ; 23 x 16 cm
ISBN 978-2-226-23993-8
Coll. "Thrillers"

La preuve par quatre...

Il est clair que Stephen King n'est pas le faiseur de soupe que certains veulent faire de lui : il y a longtemps qu'il n'a plus rien à prouver, et il a longuement expliqué ses rapports conflictuels avec l'écriture et son besoin de produire — voir ses "congés sabbatiques" annoncés régulièrement -, mais qu'il n'arrive jamais à tenir. Ce qui l'a souvent mené à se répéter, voire se parodier (Désolation... Ouille !) Et puis, il arrive que, lorsqu'on l'a à moitié enterré, le vieux lion décide de sortir ses griffes et de montrer ce dont il est encore capable. Et là, tant le cynique usineur de thriller industriel que la dernière starlette à la mode de la littérature salonnarde-ma-chêre qu'il FAUT avoir lu n'ont plus qu'à pleurer amèrement...

Le plus remarquable dans ces textes, c'est que Stephen King ne fait pas "du King" : il y a longtemps qu'il a dépassé le genre restrictif du fantastique ou de l'horreur, via des incursions dans la littérature générale ou la science-fiction — rarement convaincantes pour cette dernière — mais là, il se réapproprie le genre noir avec un brio étonnant. Ceux qui ont subi l'électrochoc Misery, ou la subversion feutrée d'un Simetierre savent que l'auteur n'a jamais eu peur de gratter là où ça fait mal, et le fait avec talent. "1922" est un récit criminel proche du "gothique américain", situé dans ce quart monde de Erskine Caldwell ou William Faulkner qui fait tant fantasmer les critiques du moment qu'il reste loin de leurs salons mondains ; une véritable descente aux enfers d'une puissance redoutable, une étude psychologique poussée servie par une plume extrême, qui en dit plus en deux cents pages que les six cents de Seul le silence. Attention, il s'agit certainement d'une des œuvres les plus déprimantes que votre serviteur, censé être blasé, a lu depuis longtemps... "Grand chauffeur" reste relativement plus Kingien de par son héroïne, une auteure de suspenses gentillets pour grand-mères comme on en usine encore aux USA pour remplir une niche ; mais lorsque celle-ci est violée et laissée pour morte par un tueur qui n'en est pas à son coup d'essai, elle ira jusqu'au bout. Là, Stephen King fait une variation ironique sur le thème de la vengeance avec un double effet miroir qui acte le fait que, souvent, la vie imite la fiction autant que l'inverse, puisque c'est les films de vengeance qui inspireront l'héroïne. Classique et presque légère — du moins tant qu'on ne réfléchit pas à sa substantifique moelle reprenant l'adage "il ne suffit pas d'être heureux, il faut que les autres soient malheureux" —, "Extension claire" est une courte variation sur le thème du pacte avec le diable. Enfin, "Bon ménage" a pour simple défaut involontaire de reprendre un thème déjà longuement traité — de Stone Baby à La Femme du monstre — de l'épouse découvrant que son mari pourrait être un tueur en série. Ce qui donne un drame feutré, tout en petites touches, notamment par sa description d'un mariage réussi et la foule de détails qui lui donnent vie.

Le tout se clôt sur une de ces postfaces dont Stephen King a le secret, qui en dit juste assez sans trop déflorer. Une véritable claque donc, avec une qualité d'analyse psychologique et même littéraire, tout simplement, servie par une traduction absolument remarquable. La preuve qu'à plus de soixante ans, Stephen King en a encore sous le capot. Maintenant, qu'est-ce que ce diable d'homme pourra inventer pour nous surprendre ?

NdR - Le recueil comporte les nouvelles : "1922", "Grand chauffeur", "Extension claire" & "Bon ménage".

Citation

Je crois qu'à cette époque, toute sorte de choses se passaient dans les fermes perdues "au milieu", comme on disait. Des choses que personne ne remarquait, et signalait encore moins. À cette époque, la femme d'un homme ne concernait que lui, et si elle disparaissait, on n'en parlait plus.

Rédacteur: Thomas Bauduret mardi 03 avril 2012
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