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Ah ! l'argent des autres !
Il arrive un moment, avec les personnages récurrents, où l'auteur dévoile tout ou partie de l'enfance, de l'adolescence du héros. C'est l'option choisie par Gilles Bornais qui propose, dans Le Trésor de Graham, un judicieux équilibre entre le passé et le présent de Joe Hackney, son enquêteur fétiche.
Un bon roman commence toujours par une accroche qui surprend le lecteur, le place dans l'expectative, l'oblige à poursuivre la découverte d'un récit au début prometteur. Dans le présent roman, Gilles Bornais débute par : "Graham Gaines allait être pendu dans quatre jours et il souriait. Pour la première fois de sa vie, les lignes de son visage exprimaient le bonheur." Avouez qu'une telle entrée en matière titille la curiosité ! Qu'est-ce qui peut mettre un condamné à mort dans un état euphorique ?
Joe Hackney est appelé par Graham Gaines avec qui il a partagé sa jeunesse, depuis les bancs de l'école jusqu'à l'éclatement de la bande des Débardeurs. Ce groupe de sept jeunes voyous vivait de rapines sur les docks. Graham a été envoyé en prison, pour vingt ans, après avoir assassiné Ronnie Rowling, qu'il soupçonnait de lui avoir volé l'argent caché dans le fond d'une ruche chez son oncle. Parce qu'il tue un détenu, il est condamné à la pendaison. Celui-ci demande à Joe de retrouver les dix-sept mille guinées en billets et en pièces d'or. Joe ne dispose que de cinq jours pour retrouver cette fortune disparue et réunir la bande, des membres qui se sont perdus de vue depuis des années.
Commence alors, pour l'inspecteur boiteux, une course contre la mort dont nous savons qu'elle apporte la paix au condamné, mais dont on ignore toutes les péripéties.
L'auteur, pour la cinquième enquête de son inspecteur, nous plonge dans le passé de celui-ci à l'aide d'un récit à rebours délicieusement ficelé. Gilles Bornais fait revivre, à travers une bande de jeunes voyous issus des quartiers pauvres de Londres dans les dernières années du XIXe siècle, une histoire d'amitié et d'amour. Il utilise une chasse au trésor, dans le sens le plus strict du terme pour reconstituer l'ambiance de cette époque, utilisant les différents membres de la bande pour explorer des couches sociales variées. L'auteur relate les investigations, dévoile les implications et la face obscure des événements qui ont amené la dissolution du groupe. Les membres mesurent alors les dangers qu'ils ont côtoyés. Gilles Bornais découvre les dessous d'une affaire où chacun devient suspect, y compris ceux qui se pensaient les meilleurs amis du monde.
Mais cette intrigue tendue, où le temps scande les différentes étapes, sert de toile de fond à une chronique douce-amère sur l'évolution de la vie, sur les choix de chacun, sur les voies prises, volontairement ou à son corps défendant. Il évoque, à travers le destin des acteurs de la tragédie, la nostalgie d'une enfance disparue, la chaleur de l'amitié, la force de l'amour, et tout ce qui a pu être raté parce que le bon choix n'a pas été discerné.
Le Trésor de Graham, servi par une écriture fluide, se lit avec grand plaisir pour la tonicité de l'intrigue et pour une remarquable galerie de personnages.
Citation
- Ronnie était le type le plus correct de la terre. Pourquoi serait-il devenu un voleur ?
- Je suis bien devenu assassin et toi inspecteur.