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Inédit
Tout public
Une pièce d’orfèvrerie à la préciosité feinte…
Paris, 1900. Guy de Timée, jeune écrivain à succès, découvre Conan Doyle et s'en émeut. Il s'installe dans un bordel pour fuir, il l'assène du moins, le confort du bien penser bourgeois et s'ouvrir aux émotions du monde réel. Se construire, en fait, une autre identité littéraire - ou le tenter du moins. Le premier chapitre ouvre de ce point de vue aux affres qu'il affronte, à la page blanche et aux effrois qui la rongent, déclinés en métaphores laborieuses, du "mur de cire" à la conscience s'étalant laborieusement sur le papier, jusqu'à l'image falote d'une larme tombant pour tenter d'effacer le vocable "Moi", vaine de sa préciosité feinte...
Fort heureusement, un meurtre est commis dans la maison close qu'il habite, et qui nous sauve de ces considérations volumineuses. Celui de Milaine, une amie de Faustine, qui deviendra si proche de notre cher narrateur. La police ne s'en soucie guère, si bien que Guy décide de mener avec Faustine son enquête, d'autant que le meurtre ne paraît pas isolé. Perotti, l'amie de Milaine, policier lui-même, les accompagne dans cette quête au travers tout Paris, à commencer par la rue Monjol, l'une des plus pittoresques de la capitale. L'occasion de brosser le portrait d'une faune insolite, truculente, forcément.
Guy et Perotti finisse par débusquer neuf morts suspectes et découvrent que les dossiers des prostituées assassinées ne figurent pas aux registres. C'est que l'Exposition universelle bat son plein et que l'on ne souhaite pas en ternir l'image avec leurs morts. Guy s'entête, frappe à toutes les portes, baptise l'assassin Hubris, prétexte à quelques lignes érudites... et dresse le portrait psychologique de l'assassin, avant d'en flairer la piste au cœur des Halles. Peinture sociale, pour la veine, les bruits de Paris, Baudelaire en bandoulière, avant de rebondir dans la faune d'un cénacle parisien ésotérique. Eugène Sue pour mémoire, le récit se relance, dévalant son Paris mystérieux à belles jambes, multipliant les péripéties, ramifiant l'intrigue en rebonds nécessairement haletants. Le siècle est neuf après tout, de nouveaux départs sont toujours à envisager, dans toutes les directions à la fois.
Maxime Chattam brasse donc. L'exposition Universelle de 1900, les anarchistes, le bas peuple, les carrioles à charbon, les chevaux de traits et les cabriolets des dames en voilettes. Plus d'une corde à son arc, dont le fil narratif, celui où il conjoint son personnage, un écrivain qui se cherche, qui voudrait refonder sa légitimité et s'entiche de l'intimité des consciences, voyageant dans la Belle époque du crime exhibée comme un joli jouet textuel à mille lieues du roman populaire, l'effet de genre sortant de la poche de son frac. Le plus intéressant dans cette affaire, c'est au fond l'interprétation qu'en donne Vincent de Boüard, avec sa diction parfaite, polissant le texte pour en révéler malgré lui les pesanteurs. C'est que l'épreuve du texte lu à haute voix, le gueuloir si chère à Flaubert, ne pardonne pas.
NdR - 2CD MP3, durée : 13 h 20.
Citation
Je m'appelle Guy et je suis un lâche.