Contenu
Poche
Réédition
Tout public
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Freddy Michalski
Paris : Points, novembre 2008
826 p. ; 18 x 11 cm
ISBN 978-2-7578-0963-1
Coll. "Policier", 2043
Opération Condor
Des champs brûlés, des gomeros ruinés, des cartels décimés, le baron local neutralisé. L'Opération Condor est un véritable succès, dixit les gouvernements américain et mexicain. La vérité, est bien entendu, différente. Si la production locale est détruite, l'organisation a survécu, et les hommes eux sont remplaçables. Barrera, chef de la police locale, l'a bien compris. Son soutien à Art Keller membre du commando et héros de l'opération était loin d'être désintéressé, celui-ci ne l'a compris que trop tard.
Désormais Barrera, dit Tío, est à la tête des cartels qu'il a réorganisé en fédération. Fort des trois mille kilomètres de frontière avec les États unis, le Mexique jouit d'un potentiel inépuisable. Tout transport de drogues venant d'Amérique Centrale doit transiter par ce pays, un véritable trampoline vers les États-Unis. La federacion, elle, s'assure que chaque rebond lui soit profitable, et pas grâce à une taxe de 0,1 % façon Tobin. L'acheminement est cher et dangereux, les membres de l'organisation, avides. Heureusement pour eux, cette reconversion est fructueuse. Aux États-Unis, le crack continue de se répandre dans les veines des quartiers pauvres et de ses habitants.
Autant dire qu'Art, leurré et impuissant, a la victoire amère. La prise de pouvoir de Barrera et l'ascension de sa famille ont largement été facilité par son action. Mais contrairement aux gouvernements américain et mexicain, et à ce que leurs organisations de lutte anti-drogue laissent paraître, lui est bien déterminé à endiguer ce phénomène et par la même occasion se venger de Barrera.
Roman sur la drogue ? Oui, mais pas seulement. Les arcanes de cette lutte anti-drogue des années 1970 à 1990 sont ici dévoilées. Don Winslow met à jour les stratégies géopolitiques, la volonté de renverser toutes les insurrections communistes et protéger des intérêts particuliers dans la région. Toutes les forces en présence sont ici représentées, qu'elles soient mafieuses, politiques, policières, ou encore religieuses. La force du roman est de n'en négliger aucune pour montrer l'étendue et la portée d'un conflit bien moins simpliste qu'il n'y parait. Véritable description de la partie d'échecs que se livre chacune de ces institutions afin de défendre leurs positions et profiter d'une faiblesse des adversaires pour avancer leurs pions, ce polar prend des allures de roman d'espionnage (on comprend pourquoi Don Winslow s'est penché sur la poursuite de l'œuvre de Trevanian).
Caricatural, dichotomiques, jugeront certains. Mais dans une époque marquée par l'affrontement de deux puissances antagonistes, la critique s'estompe. L'auteur lui, joue des codes du genre décrivant un monde où il est possible d'être communiste ou capitaliste, trafiquant ou flic comme "t'es pepsi ou coca".
Pour convaincre les cinéphiles, ce livre pourrait se rapprocher d'un bon Coppola (Le Parrain) ou d'un Stone (Salvador), celui-là même qui se consacre actuellement à l'adaptation de Savages, l'un des derniers romans de l'auteur. Il serait possible de s'étendre plus longuement encore pour réaliser cette critique, mais nul besoin est d'aller jusqu'à égaler les 830 pages de ce roman.
Dire de lui qu'il est magistral suffit. Si besoin est, ajoutons qu'il est parfaitement documenté grâce aux cinq années d'enquêtes auxquelles s'est consacré l'auteur, narré par un souffle intarissable, et formant au final un des meilleurs polars contemporains. Avec La Griffe du chien, Don Winslow s'impose définitivement comme l'un des nouveaux maîtres du genre.
On en parle : La Tête en noir n°132
Citation
Vous ne vous rendez pas à Capitol Hill pour leur apprendre que vous aidez vos voisins et alliés à se défendre contre les guérilleros marxistes ; non, vous envoyez vos soutiens au sein de la DEA demander de l'argent pour empêcher la drogue de salir les blanches mains des jeunes Américains.