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Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Laura Derajinski
Paris : Gallmeister, août 2011
296 p. ; 21 x 14 cm
ISBN 978-2-35178-046-6
Coll. "Nature Writing"
Huis-clos inversé
C'est à un étonnant huis-clos inversé que nous convie David Vann avec un Désolations à la résonance aigre doux portée par les vents glacés de l'Alaska. L'auteur, qui expose toujours autant les stigmates du suicide de son père déconstruit la vie d'un couple et de ses deux enfants devenus adultes.
Irene et Gary ont passé trente ans de leur vie ensemble. Une vie somme toute fade où chacun a enterré ses rêves pour mieux déterrer ses angoisses. Une phrase toute simple énoncée par Irene résume l'ampleur de leur mal : "On peut choisir ceux avec qui l'on va passer sa vie, mais on ne peut pas choisir ce qu'ils deviendront." Gary, tout a son ressentiment a décidé de construire une maison sur un îlot déserté au milieu d'un lac à tous vents. Irene le suit tout à son angoisse qu'il la quitte. La tension est palpable et ne cesse de croître. Seule Rhoda, sa fille - le fils marin vit en marge et souhaite rester aveugle au mal qui le guette -, qui vit en apparence le parfait amour avec Jim, semble s'apercevoir que quelque chose ne va pas même si elle trouve des excuses à son père et pense que sa mère amplifie les réactions de Gary.
À mesure que les pages défilent, que cette bâtisse se monte de façon chaotique, c'est donc toute une famille qui plonge dans une exacerbation sans cesse énervée et renouvelée. C'est tout d'abord parce qu'Irene a subi de plein fouet le suicide de sa mère, qu'elle a aperçue pendue alors qu'elle n'avait que dix ans, et avant de s'enfermer dans un monde de déni, qui la poussera sur la mauvaise pente. D'antidépresseurs en crises de larmes, elle s'effondre peu à peu, imagine cet homme à ses côtés tel qu'il ne l'est pas. Le façonne dans son imaginaire et par conséquent le façonne dans la réalité. Ce couple aux apparences banales, qui ne pouvait péricliter, s'embarque alors dans différents Enfers personnels. C'est pour cela que l'on à affaire à un huis-clos inversé. Car contrairement à Jean-Paul Sartre pour qui "l'enfer c'est les autres", pour David Vann, l'enfer est en nous, et chacun l'alimente. Et Irene va se trahir elle-même, et embarquer à sa suite tous les personnages de cette tragédie à se trahir eux-mêmes. Alors que tous les signaux sont au rouge, que tous les couples se délitent, Rhoda détient les clés pour lutter contre un déterminisme prégnant dans sa famille.
Cela ne se fera pas sans heurt, car pour David Vann, une génération détruite en détruit une autre avant de pouvoir céder sa place à une troisième génération plus velléitaire, qui s'éloignera de l'île, Enfer figuratif personnel, non sans y être retournée une ultime fois. Et la mythologie dans tout ça ?
On en parle : Carnet de la Noir'Rôde n°44
Nominations :
Prix Mystère du Meilleur roman étranger 2012
Grand prix du balai d'or 2011
Citation
On peut choisir ceux avec qui l'on va passer sa vie, mais on ne peut pas choisir ce qu'ils deviendront.