Un Å“il sur le crime

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vendredi 29 mars

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Essai - Policier

Un œil sur le crime

Historique - Procédure - Scientifique MAJ lundi 09 janvier 2017

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 18 €

Pierre Piazza
Bayeux : OREP, janvier 2017
80 p. ; illustrations en couleur ; 24 x 20 cm
ISBN 978-2-8151-0343-5

Fonce Alphonse !

Ce catalogue richement illustré de quatre-vingts pages semble bien être l'édition de l'exposition qui s'est déroulée à Vire (Calvados) du 29 avril au 1er novembre 2015 et dont le jeune chercheur Pierre Piazza était le co-commissaire. Maître de conférences en science politique, c'est un "spécialiste de l'étude des savoirs, instruments et dispositifs mobilisés par les pouvoirs publics afin d'identifier, de contrôler et de surveiller les personnes". Autant dire, un sujet au centre de nos préoccupations quotidiennes avec le flicage accepté de nos portables, de nos errances sur Internet, de nos passages de contrôles et la main-mise de la vidéo-surveillance y compris dans les parcs à huîtres. Consacrer un ouvrage aux recherches d'Alphonse Bertillon, notre père de la police scientifique et précurseur de la biométrie, est donc un devoir de mémoire. Pour lui donner un petit côté ludique, ce document est structuré comme un abécédaire à une entrée : de A comme "Anthropométrie judiciaire" à Z comme "Zoométrie" car, oui, il convenait de ficher aussi les animaux. Avant l'invention de la puce électronique sous la peau, des rusés substituaient des bêtes pour les concours ou pour les courses. En page 78, nous lisons donc un stupéfiant article de 1926 sur le "bertillonnage des vaches" avec empreintes non des sabots mais du mufle ! On imagine la prise d'empreinte et la taille du tampon encreur...
Mais revenons au criminel humain, sujet de toutes les recherches d'Alphonse Bertillon. Né en 1853, mauvais élève, le futur grand manitou et créateur du Service d'Identité Judiciaire entre, par piston de son père, à la Préfecture de Police comme sous-sous-fifre. À vingt-six ans, il est "commis aux écritures" chargé "de classer les dossiers et de rédiger les fiches de signalement". Très vite, il propose un autre système plus performant mais le Préfet de Police ne donne pas suite aux élucubrations de ce cloporte. Suite à la nomination d'un nouveau Préfet deux ans plus tard, Bertillon développe son idée de l'anthropométrie qu'il a longuement testée. Selon un protocole précis, il s'agit de mesurer le modèle en une dizaine de points (taille, tête, coudée, fémur, espace œil/oreille, etc.) et de le prendre en photographie de face et de profil sur une chaise solide avec cale-tête pour la maintenir très droite. Le but : contrer les multiples identités des méchants, centraliser les données, accélérer les recherches, dresser des statistiques. Impossible de détailler ici toutes les inventions de notre barbu couvrant tous les champs de l'enquête : appareil photo panoramique de deux mètres de haut pour prendre les scènes de crime à la verticale, photographie métrique et double prise de vue pour plan en 3D, machine pour tester les outils de cambriolage selon diverses forces pour cataloguer les traces, galvanoplastie pour les empreintes de pas, fichage des photos de mains des travailleurs manuels pour recensement des callosités spécifiques, malle high tech pour transport de matériel, chaise-longue pour cadavres d'inconnus afin de les photographier sous protocole, albums de poche contenant toutes les mini-photos des recherchés, classées par nationalité et par type. Mais la technique ne suffit pas, il faut aussi uniformiser le langage policier. Le protocole de la fiche s'étend au langage. Ainsi, rêve Bertillon, "le portrait parlé" pourra être diffusé rapidement et mener à la fiche adéquate grâce aux mots-clé. Encore faut-il mémoriser tout ce vocabulaire technique ! Bertillon surestime les capacités policières de base. Très axé sur l'oreille (mais il n'oublie pas non plus l'œil et surtout les couleurs de l'iris bien cataloguées aussi), Bertillon se focalise sur ce "facteur d'identification le plus important du visage humain" et multiplie séminaires, conférences et expositions pour diffuser son œuvre. Une photo du livre nous montre son immense meuble à vitrine rétroéclairée pour l'Exposition Universelle de Chicago en 1893. Avec toutes ses photos d'identité face/profil et ses déclinaisons d'oreilles, il ferait aujourd'hui une œuvre contemporaine parfaite pour la Biennale de Venise ou Art Basel. Obsédé par ses oreilles, a priori plus visibles, Bertillon a été contraint à s'intéresser aux empreintes digitales. Autre échec, son analyse graphologique partisane contre Dreyfus.
Voici donc un excellent ouvrage sur le parcours d'un chercheur exceptionnel. Question : Bertillon avait-il la fiche dans le sang ? Faute de place, l'auteur fait un peu l'impasse sur la vie personnelle du maître. Car, Bertillon n'était pas un mauvais étudiant ordinaire. Petit-fils de démographe, fils d'un directeur des statistiques, frère d'un statisticien et démographe, il a certainement bénéficié des conseils sinon des gènes familiaux.

Citation

Par un arrêté du 6 mars 1885 pris par le préfet de Police Lépine, un 'cours de signalements et de reconnaissances anthropométriques' est créé à la préfecture de Police de Paris, ce qui constitue un première mondiale.

Rédacteur: Michel Amelin lundi 09 janvier 2017
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