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Paris : 100 crimes oubliés
Grand format
Inédit
Tout public
356 p. ; 22 x 14 cm
ISBN 978-2-36476-002-8
Coll. "Documents"
La mémoire du sang
Surfant le "patrimoine criminel" que plusieurs maisons d'édition régionales exploitent maintenant par département, le Marseillais L'Écailler nous propose un pavé de faits divers parisiens impressionnant. Les deux auteurs, journalistes à l'Agence France-Presse, savent écrire d'une façon directe et légère pour chroniquer ces vieilles histoires. Ils ne tombent jamais dans la novélisation à outrance qui dénature le compte-rendu judiciaire, tout en évitant le côté froid et sec du rapport. C'est dans ce difficile équilibre entre la gestion des temps de narration (ici plutôt le présent), les dialogues et les ellipses que se résume le talent de l'historien vulgarisateur.
La typographie de la couverture et la photo choisie, très "crime noir années 1930", peuvent leurrer le lecteur : les affaires choisies couvrant le Moyen Âge à nos jours, se concentrent à une très grosse majorité sur le XIXe siècle.
Plutôt que de choisir un sommaire par année de méfaits, les auteurs ont préféré des entrées thématiques bienvenues : Adultères, Courtisanes, Crapules, Empoisonneurs, Infanticides, Invertis, Mauvaises Graines, Prêtres, Prolétaires, Pour l'Honneur, Pour la Bonne Cause, Ravisseurs, Serviteurs, Violeurs, Voisins. Autant de chapitres qui, après leur introduction historique fort bien faite et instructive (la répression de l'homosexualité, de l'infanticide, de la prostitution, des duels etc.), déclinent des faits divers exemplaires. À leur lecture, certains sont courts "Eugène Martinot" sort de prison en 1908 et donne trois coups de couteau à un ivrogne. Le texte fait à peine une page. Même s'il présente un aperçu social, il a peu d'intérêt. Certains sont trop courts : "Émile-François Jolybois" en 1907 étrangle une prostituée qui se jette par la fenêtre, révolvérise un garçon d'hôtel et un policier, blesse un concierge et un officier (sauvé de la balle par sa médaille !) et n'est condamné qu'à cinq ans de travaux forcés grâce au plaidoyer de son père. Une page et demie furieuse qui aurait mérité plus. D'autres sont trop longs. D'autres, enfin, paraissent trop condensés tant les personnages et les aventures sont incroyables comme "la princesse Jabirowska" qui attirait les jeunes hommes en 1671 pour les faire décapiter par son équipe de tueurs et vendre leur cadavre, ou "Marie Lescombat", arriviste notoire de 1755, qui fit assassiner son riche mari par son amant. Il serait fastidieux ici de détailler chacune des histoires et on regrettera que l'éditeur n'ait pas pensé à dresser un index alphabétique avec l'année en regard de façon à aider les historiens du crime pour fouiller plus en avant. "Le Dr Edmond Couty de La Pommerais" dans le chapitre Empoisonneurs est sans doute le personnage le moins "oublié" du lot puisqu'il a fait l'objet de plusieurs publications dont une de Pierre Bouchardon mais les auteurs, dans ce chapitre, font preuve d'originalité en citant "Le Choléra" qui, en 1832 va conduire des foules parisiennes paniquées à lyncher de pauvres innocents qu'elles jugent responsables de la propagation. Idem avec "Les Brasseurs" qui, en 1851, provoquent une maxi intoxication en voulant clarifier le cidre avec de l'acétate de plomb. Étonnamment, les histoires les plus gores sont au chapitre Infanticide avec "Boileux et La Jarrige", docteurs pour gens huppés qui, en 1870 ratent l'avortement du mannequin Adela Thomson, maîtresse d'un officier. Dans la même veine, le récit de la servante "Marie Perrier" qui, en 1888, fait passer les membres découpés de son nouveau-né par la lunette des cabinets, repart chercher le tronc et trouvant au retour l'endroit occupé par son patron, jette les restes au cochon dont l'enclos est adjacent et dont les cris de joie préviennent le dit patron sortant des dits cabinets qui dispute illico ce tas de viande en une lutte homérique avec le porc furieux, découvrant ainsi le pot aux roses.
En conclusion, Paris : 100 crimes oubliés est une véritable encyclopédie du crime couvrant toutes les facettes du genre. L'érudition et le travail des auteurs sont manifestes. Chaque introduction thématique apporte un réel regard. Leur épais ouvrage bénéficie d'une écriture alerte mais l'enchaînement des histoires sans retours à la page permet peu de respiration. De plus, le mélange des époques, même si les faits divers sont classés chronologiquement à l'intérieur de chaque thème, fait un peu trop office de zapping : dans le chapitre Ravisseurs "Jacques Thibaudat", bijoutier enlevé en 1998 détonne après la petite "Alice Neut" enlevée, violée et étranglée en 1890. Mais le crime n'a pas d'âge, n'est-ce pas ?
Citation
Le crime accompli, la terre remise en place, personne ne viendra rechercher entre les quatre murs de ce jardin le cadavre de la belle-mère, inconnue du quartier et arrosée de chaux vive à un mètre cinquante sous terre.