Anatomie d'une chute

Je le regardais en loucedé, et vraiment il faisait peur. C'est son regard surtout qui était bizarre. Plus tard, j'ai compris pourquoi. En partie au moins. Aux Bat'd'Af qu'il avait fait avant-guerre et où il avait rencontré Jo, il s'était fait tatouer deux petits points au coin de l'œil.
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Film - Policier

Anatomie d'une chute

Faits divers - Domestique - Prétoire MAJ mardi 05 mars 2024

Note accordée au livre: 5 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 0 €

Justine Triet
Paris : Les Films Pelléas, mai 2023
couleur ;

Au cœur du doute

Romancière à succès d'origine allemande, Sandra vit depuis peu avec son mari Samuel et leur fils malvoyant à la montagne, dans une maison éloignée de tout et en perpétuels travaux. Mais un jour, le jeune Daniel découvre son père mort, au pied de leur maison. Accident ? Suicide ? Ou bien meurtre ? Suspectée malgré le doute, Sandra est inculpée. Un an plus tard, un procès d'assises expose aux yeux de tous l'intimité d'un couple en crise. Mais cela suffit-il à rendre Sandra coupable ?

Palme d'or méritée du dernier Festival de Cannes et largement récompensé aux Césars et aux Golden Globes, le cinquième long-métrage de Justine Triet nous plonge, dans l'intimité, d'une famille prise dans la tourmente de la vie et de la mort et, à travers eux, au plus près de la machine judiciaire dans ce qu'elle peut avoir de plus déshumanisante dès lors qu'elle cherche à faire advenir la vérité, s'accrochant à des fragments pour tenter de récréer une vision globale. Le scénario de Justine Triet et Arthur Harari, très écrit et d'une grande finesse, sait pourtant se faire discret et évite les attendus effets de manche du film de procès, simplement limités à quelques saillies de l'avocat général, et préfère se pencher sur le hors-champ, le hors-prétoire, sur ces moments blancs pendant lesquels Sandra et Daniel tentent de faire subsister une vie détruite par la mort et le soupçon. Handicapée par l'incommunicabilité, au sein de son couple, mais aussi par la langue même (Sandra est allemande, s'exprime en anglais dans sa famille, et maîtrise assez mal le français), comme son fils l'est par sa cécité, cette mère se débat face à des procédures aussi aveugles que disproportionnées. Justice doit être faite, mais à quel prix ? Avec quels moyens ?

Remarquablement réalisé, au plus près des personnages et d'une Sandra Hüller magistrale, Anatomie d'une chute nous plonge, pendant plus de deux heures trente qui paraissent nettement moins, dans ce qui fait la beauté du cinéma, dès lors qu'il touche au cœur de ce qu'est l'humain. La mécanique de l'enquête, très détaillée et présente en permanence à la périphérie entre reconstitutions, témoignages d'experts ou même analyse littéraire à charge (!), ne sert ici qu'à poser ce climat de doute, marchant en permanence sur la corde raide qui ferait basculer le film vers le polar ou le film de prétoire, sans jamais tomber d'un côté où de l'autre, laissant le spectateur à ses propres doutes, ses propres convictions, face à une émotion nue. Une superbe réussite !

Anatomie d'une chute (151 min.) : réalisé par Justine Triet sur un scénario de Justine Triet & Arthur Harari. Avec : Sandra Hüller, Swann Arlaud, Milo Machado-Graner, Antoine Reinartz, Samuel Theis...

Citation

Mais je sais plus à quoi faire confiance, même mes souvenirs... C'est dans ma tête le problème...

Rédacteur: Jean-François Micard mardi 05 mars 2024
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