Le Dévoué

Si tu veux savoir, je ne vais pas pleurer pour toi.
Christophe Ruggia - Dans la tourmente
Couverture du livre coup de coeur

Coup de coeur

Éclipse totale
Harry Hole a été exclus de la police, ce qui ne l'empêche pas de couler des jours heureux, bouteille ...
... En savoir plus

Identifiez-vous

Inscription
Mot de passe perdu ?

mardi 23 avril

Contenu

Roman - Noir

Le Dévoué

Politique - Guerre - Trafic MAJ mercredi 19 janvier 2022

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 23 €

Viet Thanh Nguyen
The Committed - 2020
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Clément Baude
Paris : Belfond, octobre 2021
414 p. ; 23 x 14 cm
ISBN 978-2-7144-7566-4
Coll. "Littérature étrangère"

De la fidelité en amitié

Vo Danh, du moins c'est le nom sous lequel il se présente, vient de débarquer en France en 1981. Vietnamien et communiste, il a travaillé sous couverture comme espion auprès des Vietnamiens liés à l'Occident, avec l'aide de son ami Bon, anticommuniste de première force. Suite à la victoire du Front national de libération du Sud Viêt Nam et du Nord Viêt Nam, il s'était réfugié aux États-Unis d'où il a été par la suite envoyé pour une mission dangereuse dans son pays d'origine. Arrêté, les autorités ont refusé de reconnaitre son rôle, et il a été torturé et emprisonné dans un camp. Il a cependant pu fuir et devenir boat people, d'où son arrivée en France, au moment de l'élection de François Mitterrand. Logeant chez sa tante, sympathisante de gauche, qui reçoit le gratin de l'intelligentsia française et les hommes politiques qui commencent à monter, Vo Danh et son ami Bon essaient de se fondre dans la société française. C'est alors qu'ils sont engagés par le Boss, un trafiquant de drogue, expert en chantage (il utilise ses bordels comme lieux de tournage pour coincer ses proies). Vo Danh pourrait lui être utile en servant comme commissionnaire pour écouler ses marchandises dans des lieux socialement inatteignables à ses vendeurs habituels. Bon, lui, serait très utile pour servir de moyen de pression dans les rackets de commerçants. Mais tout ce bel édifice pourrait aussi s'écrouler lorsque les Maghrébins désireux de s'implanter et jaloux de la prise de poids des Vietnamiens décident de lancer une guerre sans merci. Comme Vo Danh est la première personne attaquée et qu'il se défend, blessant ses agresseurs, il devient l'ennemi à abattre. En même temps, il découvre la vie parisienne, les milieux intellectuels et les "bizarreries" de la France.

Même s'il emprunte aux genres du polar, de l'espionnage et du thriller, Le Dévoué est ailleurs. Le récit de Viet Than Nguyen s'ouvre à de nombreux registres : satire voltairienne des milieux parisiens, de ce "gauchisme" qui vit dans les beaux quartiers, se souciant peu des réalités et des horreurs (on peut se revendiquer de gauche, être contre le colonialisme et le sexisme, mais accepter des "cadeaux" dans les bordels où s'agitent des vietnamiennes charmantes...). Roman sur l'amitié et la fidélité (entre le personnage central qui ne sait plus trop ce qu'il défend à force d'être un espion trahissant les uns et les autres, et mentant à son meilleur ami, qui lui reste jusqu'au bout fidèle à ses idées et ses amitiés), roman historique (sur le régime vietnamien, le Cambodge de Pol Pot et la France devenue succursale de "l'empire soviétique" en 1981), réflexions théoriques sur la politique et le colonialisme (à travers un regard cynique et des tensions entre les différents peuples colonisés), sans oublier les aspects plus polar (fusillade, trafics, chantage, lutte de clans). Tous ces aspects qui se répondent à travers cette sorte de confession d'un enfant du siècle, révèlent (ou confirment pour ceux qui avaient déjà apprécié Le Sympathisant) un talent d'écrivain aux prises avec son monde, revenant dans un éclat de rire, pour masquer la souffrance profonde (ce n'est sans doute pas un hasard si les premières pages racontent la vie sur un vaisseau par des boat people perdus en mer), sur le début des années 1980. C'est saisissant.

Citation

Je ne suis peut-être plus un espion ou une taupe. Mais un fantôme, je le suis assurément. Comment pourrais-je ne pas l'être, avec dans ma tête ces deux trous par où coule l'encre noire qui me sert à écrire ces mots ?

Rédacteur: Laurent Greusard mercredi 19 janvier 2022
partager : Publier dans Facebook ! | Publier dans
MySpace ! |

Pied de page