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Roman - Noir

Indésirable

Social - Trafic - Rural MAJ jeudi 18 mars 2021

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 22 €

Erwan Larher
Meudon : Quidam, mars 2021
240 p. ; 21 x 14 cm
ISBN 978-2-37491-193-9
Coll. "Made in Europe"

Un village pas si tranquille que cela

Saint-Airy est un petit village tranquille, avec son maire qui gère en bon père de famille (même si ses envies de grandeur ont un peu plombé les finances communales – et qui habite à la campagne a déjà parcouru ses longs espaces réservés pour des pépinières d'entreprises qui ressemblent plus à des champs de taupinières qu'à des grands monuments commerciaux ou industriels), ses ruines et autres restes d'un passé révolu. Un village qui pourrait être troublé par l'arrivée d'une émission de téléréalité qui essaie de marier un vieux paysan local. Un village calme, certes, mais où beaucoup de choses couvent - une maison abandonnée par un propriétaire qui a disparu, une équipe municipale un peu macho, un notaire qui a comme maîtresse la femme d'un autre notable, la désertification qui menace et le rêve de construire un Mac Donald... C'est là qu'arrive Sam Zabriski, un personnage étrange car personne ne réussit à définir s'il s'agit d'un garçon ou d'une fille. Lui-même d'ailleurs ne le sait pas trop car il est des deux sexes. C'est arrivé comme ça à sa naissance, et ses parents ne se sont jamais décidés à l'opérer, ce qui aurait imposé un choix. Cet intrus, comme souvent, va se faire des amis et par conséquent des ennemis. Grâce à une source d'argent peu légale, iel (car c'est ainsi que Sam est décrit et se décrit) va apporter un peu de "modernité" (une modernité étrange puisqu'il s'agit de revenir à l'état antérieur, mais c'est là un des paradoxes du monde moderne), une envie de changer la vie. Mais est-ce possible quand le poids des siècles et des traditions est si fort ?
Erwan Larher a construit son Saint-Airy comme un microcosme de nos provinces : un village qui hésite entre zones pavillonnaires et zones commerciales avec respect d'un cachet historique ancien, du bio et du développement durable. L'arrivée d'un intrus, au départ discret, plus fluet que Clint Eastwood dans L'Homme des hautes plaines ou que Spencer Tracy dans Un homme est passé, va bousculer les certitudes. Au fil des pages, le village calme se révèle en fait être le lieu de vie d'un grand trafiquant surveillé par un artisan local qui n'est autre qu'un policier infiltré. Et puis les notables locaux couchent avec les femmes de leurs amis ou leurs employées. Il y a enfin beaucoup de frustrations et de gènes, symbolisées aussi par la présence d'une ZAD sans but réel où survivent des hippies. Il y a surtout des choses vues montrées de manière intelligente : comment des personnes âgées viennent se plaindre à la banque des escroqueries commises justement, croient-ils par la banque, suite à des faux mails demandant les doubles des codes secrets. Comment sous le bitume se cachent les anciens pavés. Et puis il y a des moments drôles comme toutes les scènes qui vont mettre en avant la visite de l'émission de téléréalité, des moments tendres autour de ce personnage indécidable, qui se veut neutre et la façon dont son caractère change de façon inexorable mais logique. Derrière le calme apparent du monde rural, on sent bien quand même qu'il faut se méfier. Des bruits laissent penser que face aux nouveautés et aux changements, certains n'hésitent pas à frapper fort, et la journaliste locale se pose de questions sur d'étranges disparitions qui émaillent la vie de Saint-Airy. On sent qu'Erwan Larher a vécu certaines des situations qu'il décrit ou qu'il a observé finement chez ses compatriotes (il est d'ailleurs un fin satiriste du social, et ça depuis le début de sa carrière de romancier). Ceux qui connaissent un peu sa biographie verront des allusions (que l'on espère pour lui un peu exagérées) à certaines de ses activités (lancement d'une résidence pour écrivains dans un village par exemple), mais à travers son personnage, il transcende ces expériences pour monter avec soin et intelligence le portrait d'un marginal malgré lui, d'un individu qui voudrait juste être parmi les autres, mais qui reste foncièrement à part. Pour les amateurs de polar, il y aura des trafiquants, des meurtres mystérieux, des maîtres chanteurs, des lingots d'or et des gens torturés, mais le tout s'inscrit dans une intrigue plus descriptive, plus axée sur le social, sur la vie d'un village, sur celle du personnage central oscillant entre ses désirs et le monde qui ne veut pas trop de lui. Comme pour le reste de son œuvre, Erwan Larher se sert des mauvais genres (ce devait être le titre du livre) pour raconter, avec une écriture classique et maîtrisée, le monde qui l'entoure et dont il s'amuse, sans méchanceté. Mais avec talent.

Citation

Il a déjà constaté qu'il manquait un peu de pognon parfois, des clients se sont plaints que la dope n'était pas très bien servie, rien de grave. Il faut laisser un peu de marge aux sous-fifres tant qu'ils n'en abusent pas. Mais là, Martin tu es allé bien trop loin.

Rédacteur: Laurent Greusard jeudi 18 mars 2021
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