Les Écœurés

Le Poulpe parcourut la rubrique faits divers du journal sans trouver de sujet bien palpitant. À part une femme qui s'était jetée du haut d'une tour de la Défense. [...] Une cinquantaine de témoins l'avaient vu se défenestrer, certains l'avaient même aidée à sauter, d'autre saluée par les fenêtres sur son passage, puis à partir du cinquième étage, elle avait été perdue de vue, plus rien, aucune trace.
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mercredi 24 avril

Contenu

Roman - Noir

Les Écœurés

Politique - Social - Révolution MAJ mardi 31 décembre 2019

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 18 €

Gérard Delteil
Paris : Le Seuil, mai 2019
240 p. ; 22 x 14 cm
ISBN 978-2-02-143123-0
Coll. "Roman noir"

La fin de l'innocence

Alain Devers est un jeune policier, tout frais sorti de son école, et qui doit effectuer son premier stage. Ce qu'il aime avant tout c'est enquêter, et il espère faire ses preuves afin d'intégrer un service qui pourrait lui permettre de briller. Son stage doit se dérouler en Bretagne et, lorsqu'il arrive, les premières manifestations de Gilets Jaunes éclatent. Son nouveau chef ne veut pas l'engager dans le service qu'il souhaite, mais pourquoi ne pas utiliser le fait qu'il soit inconnu dans le coin (ironie du sort car d'habitude ce sont les criminels qui sont "défavorablement connus des forces de police" !) pour lui faire infiltrer les gens qui manifestent et bloquent les ronds-points afin de repérer les meneurs et de limiter la casse. Pour éviter de le faire repérer, son chef le met en contact avec un ancien membre des RG qui continue son travail dans un nouveau service et qui tient avant tout à mettre ses fiches à jour, bien embêté par ces nouveaux "militants" qu'il ne connait pas. À peine Alain Devers a-t-il pris ses nouvelles fonctions qu'il perd pied. D'une part, s'il s'intègre bien au mouvement de revendications, il ne peut fournir d'informations pertinentes à ses chefs car c'est un mouvement et un contexte inédit. D'autre part, il s'est lié avec une manifestante, au point de coucher avec elle et, en parallèle, il est un peu en marge des Gilets Jaunes car il n'a pas une grande confiance en certains de ses membres, très ancrés dans la droite populiste, réactionnaire, voire complotiste, rêvant de profiter de l'occasion pour renverser la République. Ce qui le chagrine également, c'est d'avoir assisté à la fuite d'une chauffarde qui a renversé une jeune femme sur un rond-point. Et il n'arrive pas à croire à l'accident, mais pense au contraire que quelqu'un a profité du moment pour liquider la manifestante. Il tente de mener une enquête, mais sans se présenter comme officier de police. En effet, tout d'abord il a une couverture qu'il risque de détruire (et les Gilets Jaunes deviennent de plus en plus à cran). Ensuite, les investigations ont été confiées à la gendarmerie, grande ennemie intime des policiers... En parallèle, nous allons suivre la vie de quelques membres des barricades (et de la sous-préfète et de quelques notables du cru) jusqu'à la résolution finale de la crise et de l'enquête (sans parler d'une deuxième enquête car le jeune stagiaire a réussi à repérer des individus casseurs qui poursuivaient d'autres fins que celles prévues par les Gilets Jaunes). Une fin qui laissera le stagiaire, sa compagne et bon nombre de gens aussi écœurés qu'ils l'étaient en commençant cette aventure.
Gérard Delteil est un écrivain de polars qui n'a pas froid aux yeux et ose se coltiner à la réalité du monde dans lequel il vit. Écrit à chaud, sans doute, mais sans manichéisme, le roman décrit de l'intérieur, en témoin, une crise récente en ne négligeant pas les contradictions et les ambiguïtés de ce mouvement particulier qui était sûrement une colère juste mais avec des attaques pas forcément ciblées. Son personnage, jeune et candide, découvre ainsi à la fois la réalité d'un terrain qu'il ne maîtrise pas et les arcanes complexes de la police, coincée entre le respect de la Loi, la volonté de Justice et le besoin d'assurer l'Ordre. À travers l'enquête, qui aboutira mais laissera un goût amer, c'est une belle description d'un mouvement insaisissable mais dont Gérard Delteil rend compte avec force, créant à travers ce roman un récit plus réaliste et palpitant, mais sans doute aussi plus véridique, que de nombreux essais et analyses parus à sa suite.

Citation

Devers la regarda s'éloigner pour rejoindre les gilets jaunes. Ceux-ci avaient branché une grosse sono qui hurlait un refrain hostile au président de la République, sur l'air de Bella Ciao. Des jeunes, filles et garçons, chantaient et dansaient.

Rédacteur: Laurent Greusard mardi 31 décembre 2019
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