Celui qui ne dormait pas

Ce à quoi je crois ? Ça vous intéresse ? En un tas de choses... Un bon cheval, un bon bifteck, des rognons en sauce... En un certain George Brown, à la stupidité de cette guerre... Je crois qu'il faut être soûl pour être courageux et courageux pour être soûl. Je crois à la beauté de l'océan, à la saveur du vin, à l'attirance des femmes, à l'indicible joie de tuer des ennemis, à l'odeur de l'encens et du bacon, à la vigueur d'une poing, à des vieilles savates, aux maux de dents...
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mardi 19 mars

Contenu

Roman - Noir

Celui qui ne dormait pas

Mafia - Corruption - Gang - Urbain MAJ mercredi 20 avril 2016

Note accordée au livre: 5 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 21 €

Alessio Viola
Dove comincia la notte - 2013
Traduit de l'italien par Gérard Lecas
Paris : Rivages, novembre 2014
328 p. ; 23 x 16 cm
ISBN 978-2-7436-2925-0
Coll. "Thriller"

Funambule sur une corde mouvante

Certains cinéastes - d'ailleurs liés d'une manière plus ou moins lointaine à l'Italie comme Abel Ferrara ou Roberto Faenza -, nous avaient présenté la police sous un autre aspect : celui du bad lieutenant, du flic qui à force de côtoyer les gangsters finit par partager certaines de leurs valeurs, voire de leurs actions criminelles. Alessio Viola s'inscrit dans la même veine pour ce roman avec son personnage de Roberto de Angelis, un flic divorcé ayant la cinquantaine, qui dès le début de l'histoire semble être en rupture avec son monde et qui va se retrouver au bord du précipice. Pour tout dire, il est déjà en train de sombrer. Il n'arrive pas à dormir et va chercher auprès des petits revendeurs de drogue de quoi soulager ses maux divers. Au travail, il est en train de basculer, plus personne ne lui fait trop confiance, et ses rapports avec sa hiérarchie sont délicats. Il est chargé d'infiltrer des bandes mafieuses ce qui lui laisse du temps libre et peu d'occasions de rendre des comptes. Grâce à son passé, son chef lui fait encore confiance et le couvre mais tous au commissariat savent que les choses sont compliquées pour leur collègue. Qui plus est, il vient d'entamer une relation amoureuse avec une médecin, elle-même engagée dans une relation sado-maso avec un Maître. Face à Roberto, Trentadue, le petit dealer qui le ravitaille. Mais Trentadue a des talents cachés qu'il va montrer dans des crises que commence à vivre le petit groupe mafieux dont il fait partie. Alors qu'il n'a jamais exercé de dons particuliers, il va devenir le tueur du gang. Son amitié avec Roberto (qu'il croit être un petit comptable) le pousse à vouloir à la fois l'aider et à lui demander des coups de main : pourquoi ne pas échanger des bons procédés comme tuer le Maître de son amante en contrepartie d'un soutien lors de l'exécution d'un repenti ?
Celui qui ne dormait pas joue sur deux registres différents et complémentaires captivants. Tout d'abord, l'auteur est très bien renseigné et décrit de l'intérieur un petit groupe de truands, en dessous de la mafia mais qui, peu à peu, tisse les fils de son organisation, sa main-mise sur un coin de territoire. Un groupe régi par des codes stricts, illégaux certes, mais entretenant des connivences avec les villageois, créant une sorte de micro-société où alternent la peur mais aussi le respect. Journaliste, Alessio Viola décrit ainsi comment cette société s'est construite en marge, profitant de toutes les failles du système, dans ses interstices. Le deuxième aspect très intéressant du roman, c'est la description de personnages qui vont créer la tension narrative. Trentadue est un homme fiable, amoureux de sa compagne, prêt à tout pour réussir dans son rêve capitaliste de consommateur. C'est un hédoniste (des descriptions de repas de fruits de mer avec les amis), bon vivant, manuel - il y a une scène hallucinante de froideur et d'humour où il doit nettoyer sa voiture car il a mal calculé et a laissé des traces de sang importantes sur les sièges. Roberto de Angelis est un funambule mental, oscillant entre dépression et exaltation, cherchant des excuses pour expliquer ses comportements déviants. Il est engagé avec une femme docteur dans une relation amoureuse étrange. Il aimerait qu'elle soit avec lui mais elle est fascinée par son Maître qui la maltraite et la brutalise, la laissant même presque morte, hospitalisée. Ce policier et cette femme médecin qui incarnent ce qui devrait être la société normale sont à l'opposé de ce que l'on pourrait croire, à la fois symbole d'une vie pourrissante, d'un mode de vie à bout de souffle, comme ce fut peut-être le cas pour des empires décadents face aux "barbares" pleins de sève et de vigueur ou, aujourd'hui, de nos sociétés qui ne peuvent proposer que des abonnements de téléphonie moins chers face à des terroristes qui rigolent devant leur propre mort.
Servi par un rythme rapide, qui sait alterner avec des plages de nonchalance, le roman se déroule presque entièrement de nuit, dans des endroits "glauques" (des ports, des villages pavillonnaires bordés d'immondices, de salles de danse lorsqu'elles sont vides, de maisons closes). Alternent aussi des scènes familiales et des moments de pure horreur (lorsqu'il faut aller retrouver un cadavre qu'on a oublié de brûler au fond d'un fossé !). Le tout balise une tragédie déjà en germe depuis le début et qui se déroule, implacable, jusqu'à un final fort qui révèle en Alessio Viola un très bon auteur de romans noirs.

Citation

La voiture du policier était un dépotoir. Tickets de parking, paquets de chips émiettés, canettes de Peroni, Kleenex tachés de Ketchup évoquant les poubelles d'un service d'urgences, journaux qui remontaient à l'époque de l'attentat contre Kennedy.

Rédacteur: Laurent Greusard mercredi 20 avril 2016
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