Là où vont les morts

On se calme, jeune homme. On est à Vegas, ici, et vous parlez de choses réprimées par la loi. Vous pourriez vous retrouver en prison juste pour avoir pensé des choses pareilles. Bon sang. Tout ce que j'aurais à faire, c'est vous dénoncer et... (du bout d'un ergot elle tembourine un rythme patriotique sur la coque de la souris) Guantanamo, mon coco.
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Roman - Noir

Là où vont les morts

Assassinat - Corruption - Gang - Urbain MAJ mercredi 01 juillet 2015

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 20 €

Liam McIlvanney
Where the Dead Men Go - 2013
Traduit de l'anglais (Écosse) par David Fauquemberg
Paris : Métailié, mai 2015
346 p. ; 22 x 14 cm
ISBN 979-10-226-0163-4
Coll. "Noir - Bibliothèque écossaise"

Rester droit dans un monde tordu

À Glasgow, on est tourné résolument vers l'avenir, et la ville se prépare d'une part à répondre au référendum sur son indépendance et d'autre part à accueillir les jeux du Commonwealth. Pour cela elle se modernise, et transforme ses terrains vagues en appartements et résidences. Les journalistes s'adaptent en écrivant leurs articles sur le Web et en twittant leurs scoops, et même les gangsters se la jouent plus cool. Pourtant, grâce au style qui décrit les hommes et la pesanteur, on sent la grisaille, comme si on vivait encore les dernières heures de la pénurie post-Deuxième Guerre mondiale ou même la révolution industrielle. Les petites maisons des corons écossais survivent même si pour certaines il s'agit avant tout de maisons closes.
Ce qui est resté c'est la soif de violence, de pouvoir, de richesse, qui pousse les hommes à corrompre, à se laisser corrompre, à profiter de la moindre situation de besoin pour se faire de l'argent. Les péripéties immobilières sont l'occasion pour la mafia locale de s'enrichir en faisant la culbute sur les terrains vagues ou en blanchissant l'argent dans leurs entreprises du bâtiment. Parfois, il y a un début de trahison ou l'ébauche d'une guerre des gangs, ce qui expliquerait pourquoi le neveu d'une des figures locales du banditisme a été abattu en plein match de football.
Le monde moderne a accentué cette fuite en avant du capitalisme. C'est du moins le constat amer que fait Gerry, journaliste qui se rend compte que ses articles servent surtout à emballer des pages de publicité et qu'il ne faut surtout pas troubler les maigres lecteurs qui restent à son journal. Peu à peu, on s'habitue à ce nouveau monde, surtout qu'il faut bien payer les traites de la maison, et la pension alimentaire de la première épouse... Mais tout va changer pour Gerry lorsqu'il devra effectuer un article justement sur le footballeur assassiné. L'enquête aurait dû revenir à son confrère Martin, mais ce dernier est absent, sans doute en train de cuver quelque part. Lorsque Martin est retrouvé au fond d'une carrière et que la police s'empresse d'accréditer la thèse du suicide, Gerry décide de redorer le blason de son ami, sa propre carrière et le métier tout entier. Car Gerry a découvert qu'il existe un lien entre les deux morts et que ces meurtres ont peut-être à voir avec la frénésie immobilière...
Description noire d'une ville, collusion des forces politiques, policières et grand banditisme (bien dans la tradition du roman noir britannique), Là où vont les morts est une variation intelligente et sensible sur des éléments assez connus - l'enquête, les pressions par l'argent ou la violence, le rôle de l'argent, les trahisons envers ses amis, sa famille ou sa classe, le conflit irlandais en fond (car le nord de l'Écosse est un lieu de passage et de trafics avec l'île), les liens conjugaux qui se distendent par suite des difficultés. Un soin particulier est apporté par Liam McIlvanney pour décrire son personnage central qui oscille entre volonté de faire éclater la vérité et difficulté à se confronter à la violence, qui veut savoir la vérité mais hésite à le trouver - son ami Martin est-il si blanc que cela ? A-t-il été tué parce qu'il allait dévoiler des secrets ou parce qu'il travaillait discrètement pour un des clans mafieux ?

Citation

Un homme gisait, mort, à la morgue municipale. Pas le meilleur des hommes, certes, mais qui d'entre nous l'était ? Un homme qui ne serait pas mort si je ne lui avais pas téléphoné.

Rédacteur: Laurent Greusard mercredi 01 juillet 2015
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