Nu dans le jardin d'Éden

L'extrême dans la richesse crée le crime. Aussi longtemps que le système social permettrait l'acquisition d'énormes fortunes, le crime existerait comme tentative d'égalité, et le gouvernement et toutes les lois répressives n'y feraient rien.
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Roman - Noir

Nu dans le jardin d'Éden

Économique - Humoristique - Social - Crépusculaire MAJ lundi 17 novembre 2014

Note accordée au livre: 4 sur 5

Poche
Réédition

Tout public

Prix: 6,6 €

Harry Crews
Naked In Garden Hills - 1969
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Patrick Raynal
Paris : Points, septembre 2014
236 p. ; 18 x 11 cm
ISBN 978-2-7578-4166-2
Coll. "Roman noir"

Poussière de phosphate

Roman ouvert à toute interprétation, Nu dans le jardin d'Éden, peut se concevoir comme une parabole biblique, comme une allégorie sur le capitalisme, comme une fable sur l'absurdité de la condition humiliante. Dans la célèbre pièce de Samuel Beckett, En attendant Godot, les acteurs passent leur soirée à attendre l'arrivée d'un mystérieux personnage qui ne viendra jamais. À Garden Hills, Godot est venu, et il s'appelait O'Boylan. Il a ouvert des mines de phosphate qui ont complètement changé le décor, mais aussi pollué la ville, puis il est parti laissant derrière lui quelques habitants qui restent en espérant son retour et celui de la prospérité, sans se rendre compte que la survie de tous est assurée par le dernier habitant riche de la ville.
La parabole du roman se distingue à travers ses personnages. Le riche s'appelle Fatman. Ce super-héros ordinaire vit dans un manoir au dessus de la ville, au milieu de ses éditions originales. Obèse, il passe son temps à manger des rations diététiques et à se contorsionner pour se déplacer malgré son poids. Pour l'assister, il emploie un majordome, ancien jockey qui a quitté le métier après que son cheval se soit suicidé, mais en a encore la nostalgie, une nostalgie qu'il tempère en se déplaçant sur un cheval à bascule. Face à eux, Dolly, ancienne miss Phosphates, partie dans la grande ville à la recherche du magnat des mines. Revenue, elle clame partout qu'elle est restée vierge pour les beaux yeux de Fatman. En attendant, elle veut relancer la ville en créant dans l'ancien site industriel un complexe de loisirs touristique avec des filles en cage et de la musique tonitruante.
Nu dans le jardin d'Éden s'ouvre ainsi à toute interprétation car sur un décor de ruines industrielles, de ville à l'abandon, de terres brûlées et jaunies par les retombées des poussières minières, des personnages aux motivations improbables, coincés dans leur passé ou leurs obsessions, cherchant dans des rituels qui ont peut-être fonctionné ailleurs (le développement touristique, la réhabilitation de friches, la recherche d'un sauveur, le respect de règles de conduite désuètes, la cruauté des êtres envers les autres ou eux-mêmes), Harry Crews décrit avec humour, un sens du détail halluciné, comme dans un tableau de Dennis Hopper, un coin paumé, des gens encore plus paumés, une parabole sur notre propre civilisation, et ne peut que réjouir les amateurs de cet auteur qui a écrit une série de livres tous aussi passionnants et énigmatiques.
Pour les amateurs, Naked In Garden Hills, le titre original de ce roman de Harry Crews est également le nom d'un groupe épisodique américain composé de Lydia Lunch et de membres de Sonic Youth, soit l'avant-garde bruitiste américaine, qui a offert des musiques déconstruites sur des lectures d'extraits de l'œuvre de Harry Crews ! Une démarche à mi-chemin entre l'incantation primitive, le rituel religieux et la nécessaire reformulation contemporaine, c'est-à-dire une autre façon de formuler l'intérêt que peut avoir la lecture (indispensable) de l'ensemble de l'œuvre et, au départ, de cet ouvrage-là en particulier.

Citation

Ensuite, tout au long des journées étouffantes, sous un soleil à vous coller des cloques, quand l'air se remplissait de cendres et le nuage au dessus de Garden Hills virait au jaune, les gens pouvaient lever les yeux vers Reclamation Park, humide et incroyablement frais à l'horizon.

Rédacteur: Laurent Greusard lundi 17 novembre 2014
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