Compagnie K

Oui, les bourreaux existent. Ceux qui fustigent les autres de leurs différences. Ceux qui, instinctivement, perçoivent les faiblesses de ceux qu'ils côtoient. Comme s'ils intégraient, d'emblée, la notion de proie facile, quand elle passe à proximité immédiate de leur territoire.
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vendredi 19 avril

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Roman - Guerre

Compagnie K

Psychologique - Social - Faits divers MAJ mercredi 22 mars 2023

Note accordée au livre: 4 sur 5

Poche
Réédition

Tout public

Prix: 9,9 €

William March
Company K - 1933
Postface de Philippe Beyvin
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Stéphanie Levet
Paris : Gallmeister, mars 2017
250 p. ; 18 x 12 cm
ISBN 978-2-35178-603-1
Coll. "Totem", 58

Individus dans la tourmente

William March est un vétéran américain rescapé de la Première Guerre mondiale qui avec Compagnie K témoigne du traumatisme auquel ces soldats ordinaires se sont confrontés, eux qui ont vécu alors de "drôles" d'histoires. Le roman dégotté par les éditions Gallmeister date de 1933 et dénote un aspect avant-gardiste de toute cette littérature américaine issue des conflits majeurs du XXe siècle dans l'histoire américaine. Et pourtant cette guerre n'a pour eux duré que onze mois. Mais ce roman - qui s'apparente quasiment à une correspondance épistolaire entre tous les appelés de la compagnie K avec des "chapitres" qui parfois se répondent -, témoigne de la barbarie des guerres modernes et de son impact sur la psyché humaine.

Étonnant de modernité et de crudité, William March révèle ce qu'aujourd'hui on soupçonne et qui à cette époque était (majoritairement) tu. Il y a d'abord l'absurdité d'ordres qui mènent des soldats à la boucherie, il y a ensuite le quotidien de soldats pour qui une cigarette tranche avec l'ordinaire crade d'une cuisine. Il y a enfin ces craintes qui se transforment en peur paralysante au moment de partir au front sous un feu d'artillerie. Entre tout ça, il est question des gaz meurtriers, des débuts de l'aviation, des pensées de certains soldats au moment de tuer un ennemi qui heureusement n'est qu'un étranger, des questions que le soldat ne doit surtout pas se poser (William March développe un curieux dialogue a posteriori entre un Américain vivant et un Allemand mort qui échangent sur ce qu'ils auraient aimé se dire - une séquence humaniste et pacifique parmi tant d'autres). Le message qui se dégage, loin d'être naïf, est une interrogation sur ce monde en déliquescence qui voit les industriels fomenter des guerres et sacrifier des hommes pour leurs profits financiers. Et il est vrai que c'est peut-être bien la première guerre du genre à avoir été ainsi fomentée sur un mode mondialisé.

William March fait preuve tout du long d'une analyse critique avancée. Il propose un roman majeur de cette époque vécue de l'intérieur sous un feu incessant, et multiplie les détails qui font froid dans le dos à partir de sa propre expérience. Car l'horreur, c'est bien connu, se nourrit de ces petits ajouts que seuls ceux qui les ont vus peuvent les raconter : baïonnette qui se coince dans le sternum d'un Allemand, cuillerée de cervelle qui gicle d'une tête transpercée d'une balle, paranoïa (ou pas, allez savoir) d'un soldat convaincu que son officier supérieur veut sa mort, esprit malsain né d'un manque crucial de sommeil, puanteur qui se dégage des corps qui n'ont pas vu le savon depuis des mois, prisonniers que l'on emmène assassiner loin des yeux des troufions, épouillage à l'arrache... La liste est longue, mais surtout elle ne s'arrête pas à ces simples faits presque ordinaires dans un monde qui ne l'est plus. Et puis il y a le style de William March : simple et pourtant emprunt d'une poésie matinée d'un esprit factuel. Ses chapitres, intitulés d'un nom d'un soldat acteur du conflit, confère à l'ensemble un aspect tragédie humaniste. William March donne une identité à des individus noyés dans une masse. L'effet n'en est que plus poignant.

Citation

Quand le capitaine Matlock a vu dans mon livret militaire que j'avais été couturier, il a décidé, avec ce don qu'il a de faire exactement ce qu'il ne faut pas, de me transférer à la cuistance comme cuisinier. Il était pour lui parfaitement logique qu'un homme dont les mains avaient travaillé la soie de mousselines et de somptueux taffetas soit tout aussi habile dans le domaine des carcasses de bœuf et des patates déshydratées

Rédacteur: Julien Védrenne vendredi 27 décembre 2013
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