En crachant du haut des buildings

L'odeur le dérangeait de plus en plus. Cette odeur d'abattoir et d'hôpital réunis. Une émanation qui s'apparentait à celle de la viande avariée en plein soleil. Un vieux relent âcre qui imprégnait les vêtements et qui s'insinuait dans chacun des pores de la peau. Mais le plus effroyable fut cette désagréable sensation de ressentir les coups de bistouri, de sentir les doigts du légiste fouiller ses organes comme si son corps était connecté avec celui de tous les êtres humains, comme si ce lien était inscrit dans ses gênes depuis toujours.
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mardi 19 mars

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Roman - Noir

En crachant du haut des buildings

Social MAJ mercredi 26 juin 2013

Note accordée au livre: 5 sur 5

Poche
Réédition

Tout public

Prix: 9,5 €

Dan Fante
Spitting Off Tall Buildings - 2009
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Jean-Pierre Aoustin
Puzol : 13e Note, mai 2013
208 p. ; 18 x 12 cm
ISBN 978-2-36374-023-6
Coll. "Pulse", 12

Métro, boulot, biture

On ne présente plus Dan Fante. Pour l'avoir déjà chroniqué dans ces colonnes, disons que ce nouvel opus fait suite à Rien dans les poches et À la tête hors de l'eau. Nous retrouvons Dan – ou plutôt Bruno, son alter ego – en quête de petits boulots à New York. Chaque chapitre ou presque donne lieu à une leçon de survie, tant sur le plan matériel que psychique, car le pauvre Bruno, qui ne sait pas encore qu'il souffre de maniaco-dépression, dort moins de trois heures par nuit et est obligé de boire pour faire taire "les voix" qui l'assaillent quand il se retrouve seul face à lui-même.
Cependant, le propos est toujours héroïque et teinté d'ironie. Bruno ne se contente pas de parler de lui-même et de s'apitoyer sur son sort ; il brosse aussi le portrait d'une Amérique déglinguée, où la drogue et la misère sexuelle sont les autres noms de la pauvreté. Comme dans ses autres livres, Dan Fante y déploie ses talents de conteur et de satiriste, qu'il s'agisse d'évoquer une boîte d'intérim où les gens ne sont que des numéros ou le petit monde haut en couleur des chauffeurs de taxi.
Du reste, le passage dans cette profession nous offre sans doute l'un des meilleurs passages du livre. On y voit Bruno travailler douze heures par jour, et souvent pour des clopinettes, jusqu'au moment où il va se faire agresser par deux blacks assez taiseux, mais terriblement redoutables. Autre métier : celui de laveur de carreaux et la rencontre de Flash, un as de la raclette et du chiffon. On se dit : qu'est-ce que ce fou de Bruno est allé faire dans cette galère, payé à la vitre et mettant sa vie en danger par dix degrés en-dessous de zéro ? Mais Bruno n'a pas le choix : c'est ça ou rien, c'est-à-dire la rue, les clodos et bien pire encore.
Un tel livre se lit d'une seule traite ; c'est fluide et bien construit. On regrette que Dan Fante n'ait pas rajouté cent pages de plus, juste pour le plaisir de voir combien on peut se sortir de la mouise et avancer plus ou moins droit dans la vie. Cette édition se clôt par un petit texte admirable, que tout écrivain en herbe devrait lire : "Trois recommandations sur l'art d'écrire". Une page par jour, se lancer sans attendre et ne pas avoir peur d'écrire mal. Bref, une question de confiance, semble-t-il, et de régularité. Une fois de plus, saluons les éditions 13e Note de nous offrir pour notre plus grand plaisir tout le talent de Dan Fante, dont l'écriture est une forme de rédemption.

Citation

Je n'avais pas réussi à dormir cette nuit-là, à cause de tout ce qui s'agitait dans ma tête. Je m'étais enfilé plusieurs bières et du sirop pour la toux, j'avais lu pendant des heures, mais sous mon crâne le boucan ne s'était pas calmé pour autant.

Rédacteur: Pascal Hérault dimanche 23 juin 2013
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