Les Violents de l'automne

Vous voulez dire qu'après avoir débarqué à Omaha et joué à Tarzan pendant quelques années, mon père s'est transformé en justicier solitaire, et qu'en plus de tout ça, il était couvert par la maréchaussée ?
Nérac, Jean-Blaise Djian & Cyrille Ternon - Private liberty, 1. L'Échelle de Kent
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mardi 19 mars

Contenu

Roman - Policier

Les Violents de l'automne

Politique - Historique - Vengeance - Assassinat - Faits divers MAJ jeudi 05 juillet 2012

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 18,5 €

Philippe Georget
Paris : Jigal, mai 2012
342 p. ; 21 x 14 cm
ISBN 978-2-914704-88-5
Coll. "Polar"

Actualités

Mémoires de la guerre d'Algérie

Polyarthrite rhumatoïde sévère... Pas facile de manier un flingue avec ces gibbosités. Heureusement, la cible n'est pas mieux lotie. Des vieux donc. Qui s'entretuent. Un Jour de colère. Tandis qu'à l'autre bout de la chaîne humaine, Séverine, treize ans, réalise ce que la mort a de définitif : son copain Mathieu vient d'être fauché, en scooter. Un accident. L'enquête a mis en cause le chauffeur tout désigné de la camionnette qui l'a renversé. Mais ce dernier prétend qu'il a été poussé à cet écart par le déboîtement fautif d'une mystérieuse petite voiture blanche que les témoins directs n'ont pas vue. Séverine demande à son flic de père de pousser l'enquête. Voilà donc Sebag projeté au milieu des pleurs, des bouffées déchirantes des familles, promettant à sa fille de jeter un œil sur cet accident de scooter. Sebag, un flic de la vieille école, cherchant sur le terrain les indices. Flairant, observant, touchant, relevant. Sa routine. Sebag, modeste dans ses ambitions, mais opiniâtre. Penché au dessus de l'autre victime, dubitatif. Un homme de soixante-dix-huit ans. Né à Alger en 1934. Avec sur la porte de son appartement, trois lettres jetées avec hargne : OAS. La guerre d'Algérie s'invite, au moment du cinquantième anniversaire de sa fin, bousculant l'intrigue d'un coup. Sebag enquête dans cette France qui persiste et signe ses vieilles rancœurs. Celles des rapatriés d'Algérie. Amers, toujours, clivés, toujours. Flash back. Alger, novembre 1961. Une ondine. Les commandos de l'OAS roulent vers ce cercle d'enfer qu'ils ont fini par tracer autour d'eux. Avec les gamins des rues d'Alger pour victimes collatérales. La guerre sauvage. L'OAS frappe, laisse à terre des femmes et des enfants. Et côté FLN, les représailles ne sont pas moins horribles. Sebag enquête donc sur ces anciens d'Algérie dont les plaies ne se sont pas refermées. Il prend note de l'existence d'un commando Babelo, dans les années 1950, auquel les victimes appartenaient. Toutes de l'OAS donc. Un règlement de compte ? Cinquante ans après ? Plausible, tant cette mémoire interdite de l'Algérie est vivace. Entretenue par la lâcheté de l'État français qui ne sait mettre fin aux rancunes, avouer ses fautes, comme ce bombardement au mortier d'un quartier musulman, le 25 mars 1962. Femmes et enfants déchiquetés. Des raisons à foison de vouloir venger les crimes de cette sale guerre. Sans doute, mais en tuant, cinquante ans plus tard ? Les indices s'accumulent. Sebag fouille, furète dans les cercles des combattants de l'OAS, interroge, nous précipite dans une France dont les plaies sont béantes. Tant au niveau des individus que des collectivités, qui dressent ici et là les monuments de la discorde. Stèle à la mémoire des combattants de l'Algérie française, mur des disparus, musée de la présence française en Algérie…

Sebag enquête et Philippe Georget nous livre au passage de magnifiques pages sur l'Algérie, saisie autant dans ses convulsions que dans l'époustouflante beauté de ses paysages, de ses populations. Sans complaisance, feuilletant un livre dont on n'a toujours pas posé le point final, l'ouvrant aux Pieds-Noirs qui ne peuvent pas ne pas souffrir encore et s'en expliquent pour confier à la fiction leur impossible identité martyre. Sans complaisance pour les commandos Delta ou ces barbouzes que la République crut bon d'envoyer pour les combattre en usant des mêmes méthodes crapuleuses. De vieux comptes jamais réglés donc, et qui ne cessent de fomenter leurs dommages collatéraux. L'Algérie ? Une guerre qui n'est pas finie. Qui est donc le tueur à la petite voiture blanche ? Mais cela a-t-il encore de l'importance, quand l'Histoire refuse de se clore autrement qu'en pelletant de nouvelles victimes ? Une histoire de trahison au final. Symboliquement, d'abord celle d'un État qui n'a cessé de trahir en s'enferrant dans le bourbier algérien dont il n'est jamais ressorti. C'est cela, la grande leçon du roman que Philippe Georget a pris le temps de poser. Un roman résolu, superbement mené. Un roman installé dans l'espace de vies routinières, lessivées au bout du compte. Et c'est ce qui frappe d'abord dans ce roman : l'absence de souffle de l'Histoire. Les couples y ont vieilli, s'aiment encore, mais l'élan n'y est plus. On sent monter partout une profonde lassitude. En Sebag d'abord, admirable personnage ébranlé par le renoncement. Il y a un peu du Gilles de Drieu la Rochelle dans ce personnage, feu follet tout en solitude et méditation circonspecte. Taraudé par un drame intérieur qui ne peut éclore. Et qui ne sait comment faire face à ce qu'il y a d'impitoyable dans la vie, quand justement, l'impitoyable est que rien n'y fasse vraiment jour. Et Sebag de réaliser, lui qui n'a qu'un amour dans sa vie, qu'il faut bien que cet amour soit grand...


On en parle : Carnet de la Noir'Rôde n°46

Nominations :
Olives noires 2012
Prix Virtuel du Polar 2012
Lion noir 2013
Prix des lecteurs Ancres noires 2013
Prix Interpol'Art "Roman" 2012

Citation

Le Pied-Noir porte en lui une blessure profonde et douloureuse qui est à la fois sa force, sa croix et son âme.

Rédacteur: Joël Jégouzo jeudi 21 juin 2012
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