L'Honneur de Sartine

Nikolaï Alexandrovitch Semachko ne ressemble plus au militant qui s'était fait arrêter vingt ans auparavant alors qu'il changeait des billets volés. Il est aujourd'hui commissaire à la Santé publique et titulaire de la chaire d'Hygiène sociale de l'université de Moscou. Un homme responsable et un révolutionnaire victorieux. Un de ceux qui ont éperonné le vieux canasson de l'Histoire jusqu'à le faire crever et bâtir le socialisme sur sa carcasse.
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mardi 19 mars

Contenu

Roman - Policier

L'Honneur de Sartine

Historique - Assassinat - Finance MAJ jeudi 19 janvier 2012

Note accordée au livre: 4 sur 5


Réédition

Tout public

Prix: 8,8 €

Jean-François Parot
Paris : 10-18, décembre 2011
478 p. ; 18 x 11 cm
ISBN 978-2-2640-5433-3
Coll. "Grands détectives"
Les Enquêtes de Nicolas Le Floch, commissaire au Châtelet, 9

Ce qu'il faut savoir sur la série

Nicolas Le Floch vit dans la seconde moitié du XVIIIe siècle – il est né en 1740. Originaire de Guérande, il est un enfant trouvé adopté par le chanoine Le Floch. Il apprendra dès la fin du premier volet qu’il est en réalité le fils naturel du marquis de Ranreuil, dont il pensait n’être que le filleul. Il est donc le demi-frère d’Isabelle de Ranreuil, dont il était profondément épris… Il comprend alors pourquoi son supposé parrain a mis tant d’empressement à l’éloigner de sa fille, en lui fournissant de solides recommandations pour qu’il puisse aller s’établir à Paris. Voilà donc Nicolas arrivant dans la Capitale aux environs de 1760, où il sera reçu par le lieutenant général de police du roi, M. de Sartine. Son esprit vif, sa droiture et son dévouement au trône sont tout de suite appréciés ; la résolution d’une première affaire fort délicate lui vaut l’estime de son supérieur… et d’avoir ses entrées dans les espaces privés des souverains. Nommé commissaire au Châtelet, il sera plus particulièrement attaché aux "affaires spéciales" - en d’autres termes celles qui touchent de près ou de loin à la sécurité du royaume.
De volume en volume l’Histoire suit son cours et les personnages récurrents vieillissent ; l’effet de série est particulièrement soigné - l’on a donc tout intérêt à lire les romans dans leur ordre de parution, tant pour saisir la dynamique des événements réels évoqués que pour ressentir au plus juste la façon dont les personnages évoluent. Mais chaque récit fonctionne aussi comme une unité autonome qui peut ainsi attirer à la série son lot de néo-lecteurs.
Au plaisir de suivre des enquêtes policières tout en rebondissements qui mettent en valeur les capacités de raisonnement du commissaire au Châtelet et les aides précieuses que lui apportent ses acolytes – l’inspecteur Bourdeau, le chirurgien de marine Semacgus, le bourreau Sanson préposé aux "ouvertures" des corps, sans oublier son logeur, l’ancien procureur Aimé de Noblecourt – se joint celui de découvrir le Paris du Siècle des Lumières, que l’auteur ressuscite de très vivante manière.

Publiés d'abord chez Jean-Claude Lattès, les livres sont réédités en format poche dans la collection "Grands détectives" des éditions 10/18.

Tirez le cordon, le ciel cherra...

Quiconque meurt dans son lit est censé trépasser sereinement - du moins est-ce ce que l'on entend signifier quand on dit de quelqu'un qu'il est "mort dans son lit". Il n'en va pas toujours ainsi - M. de Chamberlin, par exemple, en aurait sans doute d'épouvantables à raconter qui démentiraient cette idée reçue... s'il lui était loisible de s'exprimer sur le sujet. C'est bien au lit que Nicolas et Bourdeau découvrent le corps sans vie du vieillard, mais enseveli sous un fatras d'étoffes et de solides boiseries qui l'ont proprement écrasé, lui laissant au visage une expression de "douloureuse surprise". Selon toutes apparences, il s'agit d'un simple accident domestique, l'imposant meuble à baldaquins, fort ancien, ayant probablement été fragilisé par une infestation d'insectes qui aurait précipité son effondrement. Pourtant, à peine se trouve-t-il dans la chambre du défunt que Nicolas repère plusieurs indices attestant que de louches événements ont entouré cette mort de plus en plus suspecte... Des traces dans la poussière signalent que des objets ont disparu ; un papier est découvert dans le compartiment secret d'un cabinet de bois... Mis au fait de la situation familiale de M. de Chamberlin – et aussi de son caractère particulièrement âpre - Nicolas soupçonne vite que sa fortune devait susciter de pressants appétits autour de lui. Mais il y a plus inquiétant : M. de Chamberlin, qui détenait toujours la charge de contrôleur général de la Marine bien que, malade depuis longtemps, il n'exerçât plus officiellement aucune fonction, était sûrement en possession de documents secrets intéressant la sécurité du royaume.

Voilà donc pourquoi l'enquête est laissée à Nicolas : l'affaire dépasse le cadre de l'intrigue familiale… Celle-ci est cependant bien réelle, et ô combien sordide qui s'origine dans des haines rancies de longue date, dans les appétits féroces d'un neveu s'enorgueillissant d'une particule fraîchement acquise par le mariage et n'ayant de cesse que de replâtrer sa roture comme il érige son hôtel particulier, à grands renforts de matériaux flambant neuf dont les senteurs puissantes cachent mal la puanteur des animosités tenaces que se vouent les proches de M. de Chamberlin – et que tous vouaient au vieillard acrimonieux... Mais comme souvent dans les énigmes que doit résoudre Nicolas, les manigances privées se mêlent aux intérêts de l'État... Cette fois, M. de Sartine est directement menacé par un papier des plus compromettants que détenait M. de Chamberlin – et que l'on a subtilisé. Déjà en butte aux attaques répétées de Necker qui cherche par tous les moyens à l'écarter de ses fonctions, le secrétaire d'État à la Marine espère beaucoup en Nicolas…

Déchiffreur d'âmes d'une exceptionnelle finesse, celui-ci parviendra, on s'en doute, à démêler l'inextricable pelote. Même s'il lui faut à l'occasion outrepasser les limites que lui impose la loi en matière d'investigation. Mais cela lui laisse au cœur un "air désespéré" car, de cette affaire, M. de Sartine n'est pas sorti indemne. Et puis il est aussi atteint par quelques événement personnels : à la tristesse de voir son fils bientôt s'éloigner pour rejoindre à Saumur le nouveau régiment auquel il a été affecté s'ajoute le trouble que lui cause ce qu'il a appris, à faits couverts, sur sa mère. Nicolas quitte donc ce récit plus mélancolique que de coutume, et assombri par ce qu'il sent de menaces dans cet "air du temps" si prompt à s'alourdir quand le peuple est en colère...

Tandis que notre héros, considérant sa vie, le mystère de sa naissance, le devenir de ses proches et les tumultes du siècle, s'abîme en de sombres songeries, le lecteur jubile : ces questions entrevues et laissées en suspens annoncent de futurs romans, riches en rebondissements et relevés, toujours, par cet art consommé de scruter l'Histoire qui contribue tant à attacher à la série de si nombreux fidèles.

Citation

Mort ? Mort ! Hé ! Que dites-vous là ? Je le savais fort déclinant mais toujours rebondissant... Je n'aurais jamais imaginé que sa fin fût si proche.

Rédacteur: Isabelle Roche lundi 09 janvier 2012
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