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lundi 29 avril

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Marie B. & Christine V. : innocentes, forcément innocentes

MAJ lundi 29 avril

Marie B. & Christine V. :  innocentes, forcément innocentes
© www.favraucivilise.com 12 avril 1954, Marie Besnard sort de la prison du Fort du Hâ entourée de deux de ses avocats, Me J. Favreau-Colombier et Me René Hayot.

16 mai 2010 - Marie Besnard en jarretelles !
Pour faire concurrence en prime time aux séries policières américaines hyper pro, la télévision, après les inévitables Maupassant, investit dans la french touch XXe siècle en tablant sur l’adaptation des grandes affaires criminelles nationales comme celles, classiques, de Marie Besnard mais aussi, ce qui est plus limite, actuelles comme celle de Francis Heaulmes, ou du petit Grégory Villemin.
On se rappelle Alice Sapritch, quasi sosie de la bonne dame de Loudun avec sa mantille noire dans la première adaptation TV (en noir et Blanc bien sûr). Dans la nouvelle adaptation (couleurs) Muriel Robin s’avère plutôt caricaturale avec sa bouche à l’envers et ses lunettes furieusement Sécu. Et ouvrir le téléfilm sur Mme Besnard, en combinaison sexy, attachant ses portes-jarretelles avant se faire offrir un collier de perles par son mari bourru qui vient de l’hériter de sa sœur pendue, laisse perplexe...

La théorie du plomb dans le lièvre
De 1949 à 1961, en trois procès, les plus grands experts se disputèrent sur les taux d’arsenic trouvés dans les treize présumées victimes de Marie Besnard. Pour comparer les taux, on exhuma aussi les pékins ordinaires du cimetière de Loudun, qui prit ainsi l’aspect de la surface de la Lune crevée de cratères. De l’arsenic il y en avait ! La terre était contaminée par le ruissellement des eaux, et par celui des pots mortuaires en zinc sans oublier les désherbants, abondamment pulvérisés sur la moindre tête de pissenlit agressive. De plus, il ne fut jamais prouvé que Mme Besnard avait acheté de l’arsenic. Enfin, ses avocats démontrèrent que les pourcentages toxiques trouvés dans les cadavres ne prenaient pas en compte la putréfaction des viscères : "Si vous allez à la chasse, si vous abattez un lièvre de trois kilos avec neuf grammes de plomb, divisé par trois cela fait déjà trois grammes de plomb au kilo. Supposez que votre chien ne trouve ce gibier que deux mois plus tard, le lièvre ne pèsera alors que six cents grammes, ce qui fait quinze grammes de plomb au kilo (9/0,6) et si on le retrouve plus tard encore et que les restes du lièvre sont de cent grammes, ils contiendront toujours neuf grammes de plomb mais le rapport au kilo sera hallucinant (90g/kg)." Cette leçon de médecine légale est présente dans le téléfilm lors d’un bref échange de deux secondes entre journalistes secondaires dans un café. Les scénaristes ont donc bien travaillé sur les documents.

C’est une tache
Il y a même le test de Rorschach dont les psys soumettent les taches d’encre à l’interprétation impossible de l’accusée. Dans ses Mémoires, Marie Besnard en fait un récit comique où elle s’insurge des suggestions des psys qui voudraient lui faire voir un papillon, une tête ou une fleur. Elle ? Ben, elle ne voit qu’une tache. Voilà la preuve que Marie Besnard n’avait aucun sens artistique ! Cette scène, clé de l’affrontement entre les psys et l’esprit obtus de Mme Besnard est, elle aussi présente dans le téléfilm, mais hélas expédiée en une seconde. Conclusion : pour plaire à la ménagère TF1, il vaut mieux se concentrer sur l’histoire d’amour entre la piquante journaliste et l’avocat.
Afin de se remémorer cette retentissante affaire on lira plutôt les livres de l’avocate de Mme Besnard, Jacqueline Favreau Colombier (qui apparaît dans le téléfilm, sous les traits d’une actrice très classe), Marie Besnard, le procès du siècle (Privat) et La Force de l’innocence (Laffont). Olga Vincent et Dominique Labarrière publient une novelisation, Marie Besnard, l’énigme (Michel Lafon). Le petit recueil de Sophie Mamouni paru chez DeVecchi est déjà épuisé au bout d'un mois (L’Affaire Marie Besnard, les faits, les protagonistes, l’enquête, les procès). Il ressortira sans doute. A-t-on jugé Marie Besnard ? de Michel Bénézech (L’Esprit du Temps) est le seul ouvrage qui reproduit entièrement l’acte d’accusation et de nombreuses pièces du dossier. Madeleine Leveau-Fernandez, dans Marie Besnard, l’honneur d’une femme (Le Temps des Cerises) a le mérite de se recentrer sur "la femme du peuple, issue de la paysannerie poitevine, rôdée aux travaux des champs et confrontée à une hostilité générale", un look quelque peu différent du porte-jarretelles, du collier de perles et de la combinaison en soie sauvage de TF1.

Le Crime de la Vologne
Découvert noyé dans la Vologne, pieds et poings liés, le mardi 17 octobre 1984, le petit Grégory Villemin, quatre ans et demi, va devenir l’icône de l’une des plus grandes affaires criminelles du siècle. On peut se poser des questions sur l’adaptation télé diffusée, alors que tous les protagonistes sont vivants. Que pense le couple Villemin et ses enfants de ce nouveau déballage ? Sont-ils intéressés financièrement ? Si l’affaire Besnard a été une gigantesque bataille d’experts, l’affaire Grégory, elle, a mis en avant la guerre des polices car les gendarmes furent dessaisis du dossier au profit de la police judiciaire de Nancy. Les gendarmes s’étaient focalisés sur Bernard Laroche. Celui-ci sera tué par son cousin, le père de Grégory, lors d’une reconstitution, après qu’un journaliste de Paris Match ait fait étalage devant Villemin de toutes les preuves accumulées par les gendarmes. Pour la P. J., par contre, le coupable n’est pas le cousin mais la mère elle-même, Christine Villemin ! Ce qui conduira à des prises de positions folles comme celle de Marguerite Duras dans un mémorable article du quotidien Libération où elle parle de cette mère coupable, forcément coupable. Le patron de la PJ, Jacques Corazzi a sorti le premier son récit de l’affaire, Le Secret de la Vologne : l’affaire Grégory (Gérard Louis éditeur) en 2003. Voici maintenant que l’ex-commandant des gendarmes de l’époque, Étienne Sesmat frais colonel retraité, donne à son tour sa version : Les Deux affaires Grégory (Belfond). Au milieu de tout cela, Laurence Lacour, ancienne journaliste d’Europe 1 qui couvrit l’affaire, ressort Le Bûcher des innocents (éditions des Arènes), amer bilan qui la conduisit d’ailleurs à un abandon total de sa carrière pour des dépressions en cascade et une quête spirituelle sur les chemins de Compostelle. C’est son livre qui a été adapté à la télévision par Raoul Peck et Pascal Bonitzer. Il va lui rapporter des sous. Mais elle le mérite, n’est-ce pas ? Tout comme les autres...

Michel Amelin

NdR -Cet article est précédemment paru dans La Tête en noir n° 123 daté de novembre-décembre 2006, et est ici reproduit avec l'aimable autorisation de Jean-Paul Guéry.
Nous vous invitons également à découvrir un compte-rendu complet du procès de Marie Besnard sur la page dédiée du site Favreau & Civilise. Favreau & Civilse est une Société Civile Professionnelle d'avocats à la cour de Bordeaux.
Liens : Michel Amelin Par La Rédaction

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