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Notre Honorable Correspondante à Tanger
Comme son titre l'indique, nous sommes là en face d'un texte qui fait nettement référence à la grande période du roman d'espionnage français, autant littéraire que cinématographique. Gabrielle Kaplan, l'héroïne, est une détective privée de Casablanca, dans les années 1950. Elle vivote, avec son bras droit Brahim, et coule des jours amoureux avec Jeff, un pilote. Mais un jour, elle est accostée par un homme mystérieux, qui lui annonce être membre du SDECE, les services secrets français. Celui-ci lui propose alors de devenir une honorable correspondante, c'est-à-dire un agent officieux travaillant pour une mission particulière. Gabrielle Kaplan accepte et doit se rendre à Tanger, port international, lieu de tous les trafics marocains. Un agent s'y trouvait sous la couverture de comptable afin d'espionner une compagnie d'assurances de bateaux, ceci afin de voir quelles cargaisons pouvaient poser problème. L'homme s'était introduit dans un bar, haut lieu des rendez-vous des gangsters corses qui tiennent le marché de la drogue, avant de disparaître. La France est surtout inquiète qu'ils profitent des réseaux aussi pour faire passer des armes, ce qui, en ces temps, de décolonisation, peut poser souci. Gabrielle doit se faire passer pour une oie blanche, la femme du disparu, venue le rechercher. Mais à peine sur Tanger, elle découvre le bar, sa patronne Manouche, une ancienne de la collaboration verticale, qui tient son lieu d'une main de fer, entourée des gangsters corses. Elle fait également la connaissance d'un Américain alcoolique qui vide des verres sur place, de la serveuse du bar. Son enquête est difficile car dans un monde d'espions, tout le monde peut mentir. De plus, elle doit prendre contact avec le veilleur de nuit de son hôtel, mais elle le découvre mort et devant les témoins qui l'ont vue, penchée sur son cadavre, elle est embarquée par la police qui la relâchera. Sortira-t-elle vivante de ce sac d'embrouilles ?
Tout d'abord, il est à noter pour les lecteurs que le roman de Melvina Mestre est sorti directement dans une collection de semi-poche et qu'il s'agit là d'un inédit. Le récit est double avec, d'une part, la découverte d'un nouveau métier avec la naïveté de celle qui découvre et, d'autre part, le recul nécessaire de son activité de détective privée pour en comprendre les risques. Cela permet aussi de montrer les rouages d'un service secret avec ses contacts, ses agents, parfois doubles, ses ruses et autres activités. Ce point est décrit avec soin et presque nonchalance (même s'il y a des risques Gabrielle est prudente et elle a, même si elle l'ignore, des "anges gardiens"). Ensuite, l'ensemble est servi par une documentation historique détaillée dans la postface, qui plante bien le décor, qui évoque les liens complexes entre les services secrets, les anciens collaborateurs et les mafias, et surtout qui montre la naissance de ce qui deviendra la French Connection. Les amateurs reconnaitront des visages de figures du grand banditisme et de leur passé parfois trouble, des connivences entre police et gangstérisme (après tout si les bandits empêchent la décolonisation, ce sont des amis du pouvoir) pour construire, sous l'apparence d'un roman facile et imagé un récit qui raconte bien le monde tel qu'il fut (et peut-être tel qu'il est encore).
Citation
Vous imaginez bien que je ne vous aborde pas comme ça, sur un coup de tête. Cela fait des mois qu'on vous observe, qu'on vous épie, votre vie a été passée au peigne fin, vous avez été suivie, photographiée. Vous n'êtes pas engagée politiquement, vous n'êtes pas une pro-indépendantiste avérée, même si je soupçonne que vous n'en pensez pas moins, vous avez du cran et êtes capable de discrétion.

