Livré au casseur d'os

Roman - Policier

Livré au casseur d'os

Histoire d'os

Le Quebrantahuesos, le casseur d'os, est le nom que l'on donne en Espagne au Gypaète barbu, cet énorme vautour qui se nourrit principalement des os laissés par les autres nécrophages. Sacha Bruant, vétérinaire de son état, se passionne pour ces oiseaux qu'il traque sur les sommets des Pyrénées pour les photographier. Mais le vétérinaire ne s'attend pas à ce que, dans son safari-photo, il découvre que les vautours avaient pour proie un humain... Difficile cependant d'identifier un cadavre éparpillé façon puzzle carnassier ! Heureusement pour les gendarmes, son portefeuille permet de lui donner un nom : Alexandre Cassin. Et il n'a pas été victime d'une chute : les vautours ont laissé la balle de 9 mm qui a mis fin à sa vie... Encore faut-il définir si le corps se trouve du côté français ou espagnol ! De plus, Cassin n'était pas un ange : condamné pour violence conjugale et trafic de drogue, il devait continuer à dealer depuis son appartement de l'Ousse-les-Bois, un quartier de Pau. Personne ne le pleurera... De son côté, Sacha avait rendez-vous avec Clarence, un autre passionné de rapaces, écologiste pur et dur, mais Clarence se fait attendre... D'après une serveuse de bar, il serait arrivé un jour avant le rendez-vous. Alors où est-il passé ? Quant à l'enquête, un agent de la police infiltré dans les réseaux de la drogue de Pau va donner un élément inattendu...

Fut un temps où le polar restait un "mauvais genre", où les romans ne se piquaient pas de faire œuvre de sociologie ou ne devaient pas passer les cinq cents pages truffées d'horreurs diverses quitte à coûter le budget de trois États africains sans que la qualité le justifie (simple constat, ce n'était pas "mieux avant", juste différent). Les éditions Cairn ont donc pris le relais avec un quasi sans-faute, y compris sa jolie maquette qui fait son identité, prenant la place laissée par des collections comme "Spécial-Police" où ce texte aurait parfaitement eu sa place. Un éditeur qui n'a pas peur de publier des romans courts selon les critères de notre époque de Livres Ventripotents^TM, basés avant tout sur l'intrigue (et tant pis pour ceux qui préfèrent acheter des best-sellers débilitants plutôt que donner leur chance à un "petit" éditeur qui mérite bien de devenir "gros"). Bien sûr, ce style "classique" peut tomber dans le travers du téléfilm "dramatique" du samedi soir, mais Thomas Brosset, l'auteur, déploie alors ce qui fait la différence : d'abord, de magnifiques scènes de montagne se rapprochant presque du fameux nature writing (rappelons que l'auteur est prolifique dans les guides sur divers oiseaux de nos contrées) et un soin au réalisme de cette enquête, proche du procedural sans l'aspect parfois ennuyeux de ce sous-genre. Ensuite, un style soigné, millimétré avec cette fausse simplicité si dure à atteindre, évoquant les meilleurs raconteurs populaires (au sens noble du terme, faut-il encore le préciser ?). Encore une réussite pour Cairn, mais on commence à avoir l'habitude. Il serait peut-être temps de s'en apercevoir...

Citation

Que peut apprendre aux enquêteurs un légiste qui ne dispose comme outil de travail que d'un tas d'os et de ligaments mâchouillés ? Le docteur Pouey-Pachou se gratte longuement son crâne dégarni devant la table d'autopsie où le corps a été tant bien que mal reconstitué dans l'ordre anatomique requis.

Rédacteur: Thomas Bauduret lundi 10 mars 2025 partager : | |