L'Énigme de Turnglass

Roman - Noir

L'Énigme de Turnglass

Tragédies générationnelles

Gareth Rubin nous propose avec L'Énigme de Turnglass un étonnant roman, scindé en deux parties, imprimées tête bêche, et qui se répondent selon un concept narratif et intertextuel. Si l'on ne sait par quel bout le commencer, il est préférable de le faire de manière chronologique : une histoire se déroulant en 1881 au Royaume-Uni et l'autre en 1939 aux États-Unis.

Simeon Lee, jeune médecin sans le sou, en butte au conservatisme de ses vieux pairs, s'en va dans le comté de l'Essex, sur l'île aux aspects gothiques de Ray, soigner le pasteur Hawes, son oncle, qui se meurt d'une étrange maladie. Mais quand il débarque dans l'imposant manoir ténébreux c'est pour découvrir qu'enfermée dans une cage de verre se trouve Florence, la femme du frère de son oncle décédé. Dans cette cage se trouvent également nombre de secrets d'une famille dévastée par les tensions et la haine. Peu à peu, Simeon Lee se lie avec cette femme pendant que son oncle n'en finit pas de mourir. Mais c'est bien au large de l'île qu'est enterré le plus lourd des secrets de cette famille. Et alors que tout part en déliquescence, que l'esprit de Simeon Lee devient de plus en plus torturé, l'inéluctable se prépare. La lecture du journal du pasteur apportera son lot de noires révélations. Changement radical de décor avec la seconde partie qui se déroule à Los Angeles en 1939 sur fond de studios hollywoodiens et d'écrivain presque raté. Le journaliste Ken Kourian se lie d'amitié avec le romancier Oliver Tooke. Oliver Tooke a tout pour être un dandy. Il héritera d'une grande fortune. Mais pour l'heure, il dispose d'un bureau sur une toute petite île. Seulement, il décède tragiquement et sa mort a tout du suicide. Mais bien sûr, Ken Kourian n'y croit pas. Alors, il enquête sur la mort de son ami, tombe amoureux de sa sœur Coraline et devient la cible d'une police aux ordres du père sénateur (qui n'entend pas que cet obscur individu se mette en travers de son chemin pour la Maison-Blanche). Il faut dire que le roman d'Oliver Tooke a pour titre L'Énigme de Turnglass, que c'est un roman à clé qui dénonce un épisode de la vie du sénateur, de sa femme et de leurs deux enfants alors qu'ils étaient en villégiature dans leur maison ancestrale sur l'île de Ray. Quand la vérité accouchera, elle mettra un terme aux ambitions présidentielles du sénateur.

Tour à tour roman gothique victorien et roman noir américain, L'Énigme de Turnglass se révèle un bien joli roman à la structure intelligente sur fond d'allégorie et de paroi de verre. L'auteur fait aussi bien appel à Charles Dickens qu'à Raymond Chandler pour nous embarquer dans une histoire à la double facette avec des intrigues qui se répondent. Déstabilisant - parfois on se demande s'il n'y a pas deux livres en un et s'il n'aurait pas fallu les distinguer et les séparer -, L'Énigme de Turnglass reprend l'histoire dans l'histoire à travers les océans chère à Conan Doyle (Une étude en rouge) et nous offre son lot d'évasion. Surtout, le qualificatif de roman à clé(s) prend tout son sens à mesure qu'il est décrypté par Ken Kourian, et nous embarque littéralement. Un roman imaginatif accompagné d'un beau travail stylistique.

Citation

Dans L'Énigme de Turnglass, Charlie White apparaissait sous les traits d'un jeune homme brutal de vingt ans. La tragique destinée de ses cousins, John et Annie, était au cœur de l'intrigue. On oubliait parfois que les péripéties du livre étaient inspirées de ce qui était arrivé au grand-père d'Oliver près de soixante ans plus tôt. Ces événements étaient-ils liés à ceux de 1915 ? Ken était prêt à parier que oui.

Rédacteur: Julien Védrenne jeudi 27 février 2025 partager : | |