Contenu


Grand format
Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Christophe Mercier
Paris : Rivages, avril 2014
464 p. ; 23 x 16 cm
ISBN 978-2-7436-2736-2
Coll. "Thriller"
Blues entre nerf et os
Alors qu'il se remet de ses blessures à l'hôpital, Dave Robicheaux reçoit la visite nocturne de Tee Jolie Melton, une jeune femme qui lui demande de l'aide. À peine sorti, il découvre qu'elle a disparu, que Blue, sa sœur, a été retrouvée morte, dérivant dans un glaçon (ce qui est étrange en Louisiane) et que, sans doute, il a rêvé cette visite. Sauf qu'il a sur son iPod le blues "My Creole Belle", qui a bien été installé là par quelqu'un... Et ce quelqu'un, Dave Robicheaux est persuadé que c'est Tee Jolie Melton.
Dès le début, le lecteur se trouve lui en terrain connu : mélange entre réalité la plus dure et fantasmes ; rêves et fantastique dilué avec une interpénétration du monde des vivants et des morts, symbolisée par une immense propriété qui cache dans ses sous-sols les caves où furent parqués les esclaves noirs.
La suite confirme cette route balisée. L'enquête est tumultueuse avec Clete, l'ami de toujours de Robicheaux, des bandits tous plus véreux et tordus les uns que les autres, la présence importante de la famille - lieu de paix par excellence mais aussi enjeu de la menace des ennemis -, et cette vieille hospitalité sudiste qui cache des relents nauséabonds, sans compter les rapports complexes à la nature - nous avons en filigrane des éléments de la reconstruction après le passage de Katrina et une hémorragie de pétrole qui menace l'écosystème.
Comme souvent, plus le méchant est grand, plus l'histoire est intéressante : ici, elle se divise entre un Anglais maniéré, riche et sans doute pédophile, et un vieil homme rescapé des camps de concentration (mais quel poste occupait-il réellement dans le camp ?).
Le roman est plus imposant en terme de pagination, mais cela permet à l'auteur d'asseoir davantage ses personnages, et de présenter la rédemption de la fille de Clete. Comme dans une vieille maison, peu à peu, dans la pénombre, on distingue des silhouettes et des odeurs qui nous offrent des manières de nous la représenter. Creole belle, entre deux scènes de violence qui éclatent comme un orage dans un ciel serein, prend son temps, décrit avec soin, développe des choses déjà lues, certes, mais use du pointillisme sur tel ou tel acteur du drame, mixe avec justesse des éléments concrets, des scènes peut-être rêvées, des visions où nature et éthique se répondent avec force, pour créer une symphonie ample et majestueuse.
Un texte beaucoup plus épais mais en même temps plus dense et qui, raconté avec un style direct, virevoltant, apparaît comme si léger que le lecteur aimerait que cela ne s'arrête pas, en redemande, emporté qu'il est, dans le tourbillon des sensations et des sentiments, d'un auteur, James Lee Burke, qui creuse son sillon, encore et encore, toujours plus profond, toujours plus proche du nerf et de l'os.
On en parle : Carnet de la Noir'Rôde n°55
Citation
Comme un alcoolique qui redoute à la fois ses souvenirs et ses rêves, je me méfiais de mes perceptions, moins à cause de la crainte qu'elles ne fussent des illusions, qu'en raison de la certitude qu'elles étaient réelles.

