Contenu
Un intérêt particulier pour les morts
Poche
Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais par Delphine Rivet
Paris : 10-18, juin 2013
384 p. ; 18 x 11 cm
ISBN 978-2-264-05873-7
Coll. "Grands détectives", 4658
Une nouvelle héroïne à suivre
Depuis la fin du XIXe siècle, les auteures anglaises se sont forgées une solide réputation de "Reines du Crime", d'impératrices du Whodunit. La tradition perdure et, à chaque génération, émerge quelques figures dans le genre. Auteur prolifique, Ann Granger s'inscrit dans ce courant, transposant son intrigue en 1864, au cœur d'une Angleterre victorienne, presque plus vraie que nature.
Lizzie, (Elizabeth Martin) seule au monde après le décès de son père, arrive à Londres pour devenir la dame de compagnie de la seconde épouse de son parrain. Sur le chemin, sur le futur site de la gare de St. Pancras, son fiacre s'arrête pour laisser passer une charrette où repose le corps d'une jeune femme retrouvé dans une maison en cours de démolition.
Elle prend son poste à Dorset Square, fait connaissance de Mrs Parry et de son entourage : le Dr Tibbett, un religieux qui fait le siège de la maîtresse de maison ; Frank Caterton, un neveu qui travaille au Foreign Office ; le groupe des employés. Elle apprend qu'elle remplace Maddie Hexham, partie brusquement en abandonnant toutes ses affaires. Mrs Parry a reçu, quelques temps après, un billet concis où elle exprime des excuses et son désir de partager la vie d'un homme.
L'inspecteur Benjamin Ross, de Scotland Yard, est de fort méchante humeur car le corps a été déplacé avant son arrivée, sous la pression d'Adams, le contremaître et de Fletcher, le responsable des travaux. La présence de ce corps bloquait l'avancement des démolitions. C'est dans la salle d'autopsie, en examinant les vêtements de la morte, que Ross trouve un mouchoir brodé des lettres M.H. Il se présente à Dorset Square, ayant fait le lien entre les initiales et la disparition de la dame de compagnie. C'est là qu'il rencontre Miss Martin, qu'il connait depuis l'enfance.
La curiosité de Lizzie, déjà fort titillée, la pousse à aller plus loin lorsque Frank lui révèle qu'une partie de la fortune de sa tante consistait en immeubles, vendus un bon prix, pour la construction de la gare de St. Pancras. Le sort de Maddie n'est-il pas lié au sien ?
Avec sa jeune héroïne, particulièrement curieuse et avide de découvrir une communauté dont elle ignore le vrai visage et les turpitudes, Ann Granger éclaire la société anglaise des années 1860. Si elle évoque les bouleversements liés au développement des transports, de l'industrialisation, elle se plait à détailler les personnages et leur environnement quotidien. Elle montre le fonctionnement et la vie d'une maison bourgeoise, s'attachant aussi bien aux maîtres qu'aux serviteurs. Elle décrit les conditions matérielles de leur existence partagée, leurs relations apparentes, les non-dits, les antagonismes dissimulés, cachés. Dans ce cadre, elle dresse des portraits incisifs d'une classe victorienne riche en hypocrisie et dissimulations pour conserver une façade irréprochable.
Elle crée, avec Lizzie, une héroïne pétulante, qui fait preuve de courage et de détermination dans le carcan des traditions sociales et religieuses. Elle lui donne l'apparence d'une femme qui n'attire pas les regards masculins. Cependant, Benjamin lui déclare qu'il ne la trouve pas jolie, mais belle. Elle sait mener ses affaires et prendre les décisions qui s'imposent, même si elles sont parfois hasardeuses. Lizzie reconnait elle-même, avec humour, qu'elle a un caractère affirmé : "Je sentis que je perdais patience, sachant que je ne possède cette qualité qu'en petite quantité, même dans mes meilleurs jours." L'auteur se laisse aller, ainsi, à nombre d'annotations humoristiques sur ce ton.
L'inspecteur Benjamin Ross, un amoureux transi qui ne sait rien lui refuser, est le co-enquêteur qui assure le rôle de la "cavalerie" pour sauver l'intrépide héroïne.
Ann Granger élabore une intrigue qui fait monter la tension avec l'avancée des recherches, la collecte des indices, l'éclaircissement de faits troublants. Une histoire que l'auteur complexifie avec bonheur, multipliant les mystères et le nombre des suspects potentiels.
Avec Un intérêt particulier pour les morts, Ann Granger pose la première pierre d'une série qui voit la constitution d'un duo de détectives hors pair dans une ambiance historique magistralement reconstituée.
On en parle : La Tête en noir n°163
Citation
Mais le contremaître, un type louche comme j'en ai rarement vu, et le gars de la compagnie de chemin de fer, ils ont fait un foin de tous les diables, si vous me passez l'expression. Les ouvriers eux-mêmes devenaient belliqueux.