Panique générale

J'ai pensé aux huit ans écoulés, aux nuits sans sommeil, aux terreurs sans commencement et sans fin ; j'ai pensé à Edwina parce que, de toute façon, je pense à elle sans arrêt ; j'ai pensé que la justice immanente était un concept mystérieux, qu'elle ne se vend pas, ne s'achète pas, mais parfois on aimerait que la grande roue cosmique s'arrête au bon endroit - faute de quoi il faut l'aider un peu. Je suis né à Cataract City, et on sait ce que c'est, la vengeance, ici. On paie ce qu'on doit, sinon on vous le fait payer.
Craig Davidson - Cataract City
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vendredi 19 avril

Contenu

Roman - Noir

Panique générale

Social - Assassinat - Corruption MAJ jeudi 12 mai 2022

Note accordée au livre: 5 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 0 €

James Ellroy
Widepread Panic - 2021
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Sophie Aslanides
Paris : Rivages, mai 2022
330 p. ; 23 x 16 cm
ISBN 978-2-7436-5646-1

Drogue, sexe, cinéma et communisme

Les connaisseurs de l'œuvre de James Ellroy se souviennent sans aucun doute du personnage de Freddy Otash, qui a déjà fait l'objet d'au moins un livre où il avait la vedette et qui a également traversé d'autres de ses romans. Pour rappel, Freddy Otash est un policier qui a embrassé une carrière dans le journalisme pour faire les beaux jours de magazines à scandales. À sa mort, il débarque en enfer pour être tourmenté par ses anciennes victimes, et c'est l'occasion d'une "confession" dans laquelle le personnage se plaint et décrit son travail. Avec Panique générale, le romancier américain couvre principalement les années 1950. Nous voyons passer des personnages qui évoqueront bien des choses pour le grand public (de John Fitzgerald Kennedy à James Dean), et d'autres pour des lecteurs plus férus d'histoire américaine (Caryl Chessmann, un criminel qui a écrit depuis sa cellule dans l'attente de son exécution ou Rock Hudson, acteur sans doute passé de mode). Freddy Otash mène sa vie, tombe amoureux et essaie de combiner avec une forme de justice personnelle très particulière. Il n'hésite pas à cabosser les témoins, à poser des micros, à faire chanter des personnes, à monter des plans tous plus ignobles les uns que les autres, à trafiquer les preuves et les indices, à trahir la main qui le nourrit pour continuer à grouiller dans l'ombre. L'histoire qui court sur la période c'est le marigot des années 1950 où le cinéma hollywoodien, le parti communiste américain, le FBI, des tueurs et violeurs en série embauchés par les uns ou les autres, se croisent, s'admirent, se détestent, participent à des coups tordus. On notera principalement dans ce roman l'idée de tourner un grand film porno avec les vedettes de l'époque et à diffusion restreinte, le besoin des acteurs et du réalisateur de la Fureur de vivre de se déguiser en nazis pour attaquer des gens ou des débits de boissons au milieu de la nuit, histoire de se mettre dans l'ambiance du rebelle sans cause. Mais surtout, Freddy Otash a commencé sa carrière de manière peu glorieuse. Un petit truand a blessé un policier laissé entre la vie et la mort avant d'être arrêté. Freddy Otash est chargé de l'escorter au tribunal, de simuler une fuite et de l'abattre, ce qu'il fait. Mais cela lui pose problème alors il décide de glisser des billets, nés de ses trafics, dans la boîte aux lettres de sa veuve. Lorsque cette dernière est assassinée, il ne peut s'empêcher de vouloir savoir pourquoi, car il ne croit pas à la théorie du tueur violeur arrêté et liquidé par les forces de l'ordre. Qui était cette veuve ? Quels étaient ses liens avec le parti communiste américain ? Et avec le FBI qui rôde autour de sa maison ?

Sur ce fil général d'intrigue, nous allons suivre les souvenirs du personnage, ses parties de jambes en l'air, ses magouilles diverses et variées - traîne sous nos yeux la faune propre à James Ellroy. Une faune composée d'escrocs, d'acteurs, de politiciens véreux, qui passent leur temps à chercher des drogues, à baiser tout ce qui passe, hommes ou femmes, à plusieurs, dans le désordre le plus parfait. Entre sadomasochisme et autres déviances, parfois dénoncées, parfois couvertes, parfois l'objet de chantage, sans jamais s'excuser, Freddy Otash tente de mener son enquête qui patine, revient en arrière, repart vers d'autres pistes. Tout ça permet de relancer l'écriture "habituelle" de l'auteur américain : redites (comme des pensées intérieures des personnages pour comprendre), allitérations, descriptions de coups tordus et de moments où l'on cherche une forme de pureté (entre une volonté de bien faire et une envie de dégrader ou se dégrader davantage). Passant d'un lit à l'autre, d'une bouteille à l'autre, d'un comprimé de drogue à l'autre, d'une baston sanglante à l'autre, Freddy Otash se démène, dans ce style particulier, toujours aussi fort et prenant de James Ellroy, avec des pointes d'humour (à un moment par exemple, lors d'une manifestation à laquelle participe Marlon Brando, Freddy Otash fait distribuer des photos homosexuelles pornographiques mettant en valeur le dit acteur) dont on ne saura pas s'il s'agit de cynisme ou de désespoir caché pour reconstituer une époque trouble, violente, dans une Amérique où les fantasmes de puissance, de sexe et de vie facile se mélangent pour le plus grand plaisir du lecteur qui retrouve là un James Ellroy en pleine forme, dans un récit plus limpide et sur un mode mineur, qui permet d'attendre la suite du "Second Quatuor de Los Angeles".

Citation

Janey, nue. Janey et Jimmy, nus. Janey et Jimmy en plein coït sur la banquette arrière de la Ford. Janey dans les vêtements qu'elle portait chez Frascati. Le corps de Janey jeté sur la scène de crime. Elle a été étranglée à la main. Elle est morte.

Rédacteur: Laurent Greusard jeudi 12 mai 2022
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