Le Livre de maître Mô

Qu'est-ce que j'ai fait de bien ? Eh bien, saint Pierre, un jour, j'aurais pu voler l'or qu'une pute morte s'était accroché aux oreilles. Mais je m'en suis abstenu.
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samedi 20 avril

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Essai - Policier

Le Livre de maître Mô

Social - Faits divers - Prétoire MAJ jeudi 16 septembre 2021

Note accordée au livre: 3 sur 5

Grand format
Réédition

Tout public

Prix: 20 €

Jean-Yves Moyart
Paris : Les Arènes, septembre 2021
374 p. ; 23 x 15 cm
ISBN 979-10-375-0508-8

L'empathie en pâtit

Nous avions déjà chroniqué ce livre lors de sa première parution en 2011 à la Table Ronde. Ce livre a par la suite été repris en poche chez 10-18 avec une histoire supplémentaire. Il reparaît aujourd'hui en grand format aux éditions Les Arènes, suite à la mort prématurée de l'auteur, due à un cancer, en février 2021. L'avocat Jean-Yves Moyart s'était fait une réputation sur Internet en publiant de courts récits de ces histoires de prétoire. Ce livre lui rend hommage, car il est parvenu à toucher le public par son ton sans fard et sans concession. Nous détaillons ici les deux histoires de notre précédent article et nous ajoutons une troisième intitulée "Noël".

C'est un avocat très engagé dans la justice "populaire", celle des avocats commis d'office pour défendre les "petites gens" pour ne pas dire le quart-monde. Au sommaire de son livre pas de grands procès mais des affaires banales dont certaines sanglantes. Le pseudonyme était nécessaire à cet avocat du barreau de Lille qui a tenu un blog depuis 2008 où il s'épanchait sur l'injustice et ses misères. "Le Guet-Apen" est l'histoire qui a décidé l'éditrice originale à publier le livre. C'est le nom d'un café tenu par un ancien légionnaire et sa femme. C'est aussi le seul endroit où Ahmed, un mince petit bonhomme habillé de pantalons à pattes d'eph' et de chemise au col en pelle à tarte, vient pleurer quand Geneviève, sa grosse bonne femme de plus de cent kilos et d'un mètre quatre-vingt lui flanque une raclée et va cuver son vin sur un banc public. Roger, le légionnaire, meilleur client de son troquet, pousse Ahmed à se débarrasser de son encombrante moitié. Il possède aussi un énorme couteau dans son grenier. Un soir, alors que le couple s'est encore disputé et que leurs six enfants dorment, Ahmed va se plaindre auprès de Roger et reste avec lui jusqu'à la fermeture. On retrouvera plus tard Geneviève égorgée dans un fossé à quelques kilomètres du village. De ce fait divers sordide, Maître Mô/Jean-Yves Moyart a fait une chronique surprenante avec des coups de théâtre à la clé qui remettent en cause son éthique d'avocat. Dans le premier et court fait divers intitulé "Misérable" (lien direct à Victor Hugo) voilà Odile, une pauvre fille passant au tribunal pour un vol de chaussettes de neuf euros cinquante. Le meilleur c'est le dialogue cynique entre la juge et la prévenue qui avoue qu'elle entend des voix. Le moins bon ce sont les considérations de Maître Mô présent pour une autre affaire, et qui s'indigne des lois, des magistrats aux ordres, des manques de services sociaux. Empathie, résilience, dénonciation du système, procédures judiciaires détaillées, pamphlet, emphase, sentimentalisme, lyrisme, clichés, faits bruts font de cette suite de récits des sortes de montagnes russes sur lesquelles est embarqué notre auteur qui n'arrête pas de souffrir, suer, pleurer et vomir. Le récit "Noël" du prénom d'un rebut de la société vivant avec sa compagne, ses deux jumeaux de huit mois et un ami dégoûtant dans un studio dépotoir est un sommet de sadisme trash. Ils "enlèvent" un SDF et en font leur esclave souffre-douleur genre : à partir de tel jour, ton oreille gauche devient notre cendrier (l'oreille droite étant devenue un moignon après de longues séries de brûlures au briquet le premier jour)... Après ce récit incroyable, on a forcément du mal à retomber sur nos pattes avec le narrateur qui entre en scène en tant qu'avocat commis d'office pour Noël. "Il va me faire m'ébrouer, sortir de mes petites réflexions désobligeantes d'intellectuel propre sur lui, pour revenir définitivement à ma mission et à la défense d'un homme, car évidemment c'en est un, qui risque de finir sa – jeune - vie enfermé, et qu'il faut absolument tenté de comprendre." Du coup, ce déballage psy-professionnel manque de rigueur littéraire car l'auteur utilise des formes narratives différentes. Sans doute aurait-il fallu choisir un axe et un seul. Le récit des faits OU le récit de la défense OU l'incantation (l'auteur s'adressant directement à un accusé qui s'est pendu, ou à une petite fille violée par le compagnon de sa mère).

Citation

Mais madame, ce ne sont quand même pas vos voix qui vous demandent de voler des chaussettes, si ?

Rédacteur: Michel Amelin jeudi 16 septembre 2021
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