Friday Black

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vendredi 29 mars

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Nouvelle - Noir

Friday Black

Social - Urbain - Crépusculaire MAJ mercredi 13 janvier 2021

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 21,9 €

Nana Kwame Adjei-Brenyah
Friday Black - 2018
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Stéphane Roques
Paris : Albin Michel, janvier 2021
260 p. ; 21 x 14 cm
ISBN 978-2-226-44209-3
Coll. "Terres d'Amérique"

Cauchemar américain

Nana Kwame Adjei-Brenyah est un nouveau venu sur la scène de l'écriture américaine. Jeune homme noir, il s'impose dès ce premier recueil de nouvelles avec une force impressionnante. En effet, même si ces histoires sont parfois tirées du côté justement de la difficulté d'être afro-américain dans un monde anglo-saxon, ce ne sont pas des textes manichéens, ni lourdement démonstratifs, et ses personnages sont ambigus et ambivalents. Piochant dans les souvenirs sans doute de ses difficultés, l'auteur les a mixées avec toute la culture pop qu'il maitrise. Ses récits piochent aléatoirement dans le roman noir, le film d'horreur, la dystopie sanglante et la S.-F. apocalyptique, comme un roadtrip parcourant la littérature. Dans son premier texte, "Les 5 de Finkelstein", c'est un fait divers qui provoque l'histoire. Un blanc, "effrayé" par cinq enfants ou adolescents noirs, va les tuer à la tronçonneuse et être acquitté. Depuis, des groupes de jeunes Noirs se réunissent par cinq et attaquent des Blancs en hurlant les noms des victimes. Le narrateur décide de se joindre à une bande afin d'agir, mais il est empli de doute sur son propre combat. Fin et psychologiquement aiguisé, le récit raconte le passage à l'acte du garçon avec en flashbacks le récit glaçant du procès. "Ces choses que disait ma mère" et "Le Lion ou l'araignée" semblent plus autobiographique, et nous racontent avec poésie le quotidien d'un jeune homme avec sa mère ou son père. "L'Ère" est un récit dans un futur proche où l'on peut s'injecter des doses de bien pour contrer ses pulsions, mais c'est peut-être un piège pour calmer les populations noires, et au sein d'une famille, on s'oppose fermement sur ce produit. Le narrateur est un adolescent, mal dans sa peau, qui veut être comme les autres. Et c'est également dans un futur proche que se trouve le narrateur de "Zimmer Land". Zimmer Land, c'est une sorte de Disneyland où sous couvert de comprendre la justice, des hommes blancs viennent libérer leurs pulsions en abattant des jeunes noirs violents. Mais que peut-il se passer dans la tête de Zay, embauché car "de couleur", qui doit jouer sempiternellement l'agresseur ? C'est un autre futur étrange que décrit "Après l'éclair", où les humains disposent plus ou moins de pouvoirs mais s'entredéchirent tandis que de temps à autre des éclairs détruisent des espaces de civilisation. Comment vivre dans le monde violent où tout peut basculer d'un instant à l'autre ? L'auteur parvient à nous décrire ces mondes, sans ajouter d'explications, uniquement en nous racontant de l'intérieur comme si nous comprenions tous les éléments pourtant obscurs de ce futur, ce qui les rend encore plus poétiques, mélancoliques et en même temps déchirants de violence contenue. "Lark Street" et "L'Hôpital où" sont les deux versants d'une histoire liée au fantastique. La première est plus noire avec un personnage qui vient de pousser sa compagne à avorter et se réveille avec les deux fœtus de ses enfants morts qui reviennent l'ennuyer, comme des poupées Chuky. L'autre se situe dans un hôpital où le personnage a de plus en plus de mal à supporter la douleur et la détresse. Il a eu une solution mais est-ce vraiment la bonne ? Enfin, les trois dernières nouvelles, "Friday Black", "Comment vendre un blouson selon les recommandations du Roi de l'hiver" et "Dans la vente", reviennent sur les mêmes personnages, des vendeurs d'un centre commercial. Tranche de vie sociologique de personnages emblématiques du monde américain, la première est une merveille d'humour et de dénonciation du capitalisme avec une version du Black Friday où les gens se tuent pour une veste, où la vente ressemble à un combat contre des zombies. Les deux autres nouvelles sont des moments très empathiques sur les vendeurs, les clients, les luttes pour gagner le poste de premier vendeur, depuis l'intérieur des pensées d'un vendeur qui espère rester en tête des ventes de son magasin. Une belle version du rêve américain. Voilà donc au final un recueil de douze nouvelles de Nana Kwame Adjei-Brenyah qui montre une unité stylistique, où poésie, descriptions douce-amère, ellipses narratives répondent à des histoires variées, se servant de thèmes des différents genres, proches du réalisme fantastique, entre le quotidien et les envolées, avec finesse et force. Comme quelqu'un qui décrirait le rêve américain d'aujourd'hui, un long cauchemar sans fin avec quelques petites touches d'humanité et d'espoir qu'il convient de savourer.

NdR - Le recueil comporte les nouvelles suivantes : "Les 5 de Finkelstein", "Ces choses que disait ma mère", "L'Ère", "Lark Street", "L'hôpital où", "Zimmer Land", "Friday Black", Le Lion et l'araignée", "Cracheuse de lumière", Comment vendre un blouson selon les recommandations du Roi de l'hiver", "Dans la vente" & "Après l'éclair".

Citation

Il y avait foule à l'arrêt de bus. Il sentit les regards se poser sur lui et vit els sacs à main changer de côté. Emmanuel pensa à George Wilson Dunn. Il imaginait le quadragénaire face à lui, tout sourire, une tronçonneuse grondant entre ses mains.

Rédacteur: Laurent Greusard lundi 14 décembre 2020
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