Je serai le dernier homme...

Il portait [...] un polo blanc orné d'un joueur de polo sur le sein gauche. Harry ne parvenait pas à se rappeler le nom de la marque, si ce n'est que pour une raison ou pour une autre, il la reliait à des types ennuyeux.
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vendredi 19 avril

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Roman - Noir

Je serai le dernier homme...

Social MAJ lundi 26 mars 2018

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 18 €

David Coulon
Paris : Lajouanie, mars 2018
296 p. ; 19 x 13 cm
ISBN 978-2-37047-091-1
Coll. "Roman policier, mais pas que"

Oiseaux de nuit

Quand on roule en voiture à trois heures du mat' et que l'on entend un coup de feu, on se dit que ça ne peut pas être un coup de feu. Surtout si on roule sur un chemin de la campagne normande, qu'on revient de chez sa maîtresse alors qu'on a fait croire à sa femme qu'on allait passer un entretien d'embauche parce qu'on a plus de boulot depuis plusieurs mois vu que les usines du coin ferment les unes après les autres. Surtout si on a bu. Oui, si on a bu, à trois heures du mat' sur une route de campagne quand on culpabilise un peu d'avoir trompé sa femme tout en se répétant qu'on ne l'aime plus, on ne peut pas croire que c'est un coup de feu qu'on a entendu. Alors on descend de sa caisse et on en fait le tour pour reluquer les pneus en se disant qu'il y en a fatalement un qui a éclaté. Et puis là, elle sort d'un champ de blé, autant dire de nulle part, et elle se rue dans la bagnole. Elle, c'est une jeune femme. Le propriétaire de la voiture se jette sur elle, et tandis qu'elle le supplie de l'emmener, il l'évacue sans ménagement du véhicule, la propulse sur le sol. La tête de l'inconnue va cogner sur une pierre. À ce moment-là, même si la mort est instantanée, on appelle les secours, le SAMU, les flics. Normalement. Sauf s'il est trois heures du mat' sur une route de campagne, qu'on roule bourré parce qu'on revient de chez sa maîtresse, qu'on n'a pas envie de faire de la peine à sa femme même si on ne l'aime plus, qu'on est déjà assez dans la merde comme ça vu qu'on n'a plus de boulot. Sauf si on s'aperçoit que la jeune femme morte est dans un sale état, à moitié nue, qu'on ne comprend pas d'où elle sortait et qu'on se répète qu'avec les flics en plus, on ne va plus seulement être dans la merde mais dans bien pire. Alors comme on a de la place dans le coffre, on se dit qu'on va emmener le corps, qu'on va dormir dans un hôtel, qu'on va prendre le temps de réfléchir, qu'on y verra plus clair quand il fera jour. Parce que quand on est sur une route de campagne à trois heures du mat', on se dit que bientôt il fera jour. Normalement...
Je serai le dernier homme... est captivant dès les premières pages. Une fois ouvert, il est impossible de passer à autre chose. Impossible de ne pas avoir le livre en main, de ne pas en tourner les pages, de ne pas avancer, de ne pas savoir, de ne pas comprendre, de ne pas voir jusqu'où. Il y a comme une promesse de jouissance assurée pour qui aime ce genre de littérature. C'est noir, c'est glauque, c'est désespéré, c'est se jeter à la mer avec une bouée crevée. Le style est sec, franc, nerveux, percutant, avec des phrases qui accélèrent pour s'enfuir, puis des mots, toujours les mêmes, qui les rattrapent pour les hanter façon ritournelle : "on ne connaît jamais vraiment les gens qu'on aime". D'abord c'est un problème de couple, de complexe, d'époque. Puis ça devient un cauchemar. Ce cauchemar qu'est la vie quand on y prend garde, quand on prend le temps de la regarder. Il ne faudrait jamais regarder sa vie en face quand elle est trouble. Mais comment faire autrement quand on a plus que ça à penser. Sa propre existence. D'où elle est partie, où elle en est arrivé. Le personnage principal n'a pas de nom, pas d'identité. Chacun peut donc s'identifier à lui. Et le fait qu'il soit de sexe masculin ne change rien. Le point de non retour n'a pas de sexe. Il est une route qu'il faut suivre jusqu'au bout. David Coulon réussit brillamment à nous y emmener. Je dis "brillamment" car son personnage principal agit constamment d'une façon qui pourrait nous donner une excuse en or pour poser le bouquin et passer à un autre. Il y a des histoires où le personnage est pris dans un piège et où il est obligé de se comporter d'une certaine façon pour s'en sortir, mais ici ce n'est pas le cas. Le héros s'enfonce tout seul, persévère quand il pourrait mettre un terme au cauchemar. Il en devient agaçant mais on continue tout de même à le suivre, entraîné, emporté par autre chose que la résolution policière. La quête est plus personnelle, et c'est là où David Coulon est brillant : il ne met en lumière que l'intrigue, que le polar. Mais son roman est bien plus profond, bien plus vicieux. Il nous parle de nous, de cette fleur, de ces rêves, de ces espoirs que nous avons en nous et que nous avons perdu de vue le temps de vivre. Toutes ces choses qu'un matin (ou qu'une nuit), alors que nous sommes à bout, nous cherchons à tâton sans parvenir à mettre la main dessus. Et nous nous lançons alors dans une recherche désespérée. Revoir, retrouver son jardin secret, ne serait-ce que pour y enterrer un cadavre !

Citation

Mathilde se douche. Je passe plusieurs fois devant la salle de bains ouverte sans un regard pour son corps nu. Pendant qu'elle s'habille, je range la vaisselle. Je dis à Emma de se laver à son tour. Mathilde l'aide. À la télévision, il y a des plans fixes sur des passants, au Havre, et le visage de Sophie Le Saucourt et la crise économique et une nouvelle usine qui ferme, cette fois-ci dans le Nord-Est, et des plans fixes sur les employés de l'usine qui ferme. Les employés crient et pleurent.

Rédacteur: François Legay lundi 26 mars 2018
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