La Prison et l'idiot

Il est à côté, rageur, il tape du pied. Le poing serré, tendu comme un string, l'Arabe. Mes hommes vont réclamer du sang. La vengeance, œil pour œil, tout le baratin.
Jérémy Bouquin - Moktar
Couverture du livre coup de coeur

Coup de coeur

Éclipse totale
Harry Hole a été exclus de la police, ce qui ne l'empêche pas de couler des jours heureux, bouteille ...
... En savoir plus

Identifiez-vous

Inscription
Mot de passe perdu ?

jeudi 28 mars

Contenu

Beau livre - Policier

La Prison et l'idiot

Huis-clos - Prison MAJ jeudi 22 février 2018

Note accordée au livre: 3 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 28 €

Arnaud Théval
Paris : Dilecta, juillet 2017
192 p. ; 18 x 22 cm
ISBN 978-2-37372-026-6

Un autre regard

Arnaud Théval est allé en prison de son plein gré pendant plusieurs années, mais en excluant toute relation frontale aux taulards : il y est venu pour voir, non les voir, et donner à voir sa vision des prisons françaises. De son plein gré, c'est-à-dire en écartant toute commande. Ici, il revient d'une prison vidée de ses occupants. L'idiot, c'est lui, on l'aura compris. Lui qui a déambulé dans des lieux vides. Enfin non, justement, des lieux saturés de traces, de ces petites choses abandonnées par les prisonniers et qui révèlent tant leur présence. Dessins, graffitis, grattages, photos, magazines déchirés, découpés, égarés. Il observe. Les frottements des pieds au sol. Et puis la vétusté du lieu. Les prisons françaises sont vieilles pour la plupart. Partout il faut les rénover. Un moment clé de notre histoire donc. On l'espère du moins. Car ce qu'il montre, c'est un lieu sans horizon. Métaphoriquement, comme littéralement. Pour en accentuer le trouble, il photographie en gros plans, ou en plans américains. Et ce qui frappe, c'est son traitement en aplat. Tout y est ramené sur le même plan. Pas d'épaisseur. Pas de profondeur. Un no man's land inquiétant. Plongé dans le silence d'une prison vidée. Peu à peu une sorte de récit photographique s'organise dans ce partout des bouts de quelque chose. Il prend le moindre coup de crayon sur un mur, ces détails où la vie s'est accrochée. Des bouts de rien pas encore détruits par les machines de nettoyage. Car on nettoie les cellules, dont beaucoup sont d'une saleté crasse. Mais on y a logé des êtres humains. La cellule, lui a-t-on dit, est propriété de l'État, pas du détenu qui l'occupe, et qui ne peut s'inscrire que dans l'éphémère, même s'il doit y rester des années. Des cellules que l'État n'a pas songé à rénover des siècles durant dirait-on. Or chaque cellule est un univers, où il avance à pas feutré pour en reconstituer l'équilibre. Ne rien déranger. Une scène de crime... Sur l'instant, ses images dérangent, qui esthétisent la crasse et la transforment en élément pictural. On comprend alors le recours des mots, du texte qu'il leur adjoint, pour dire ce qu'elles pourraient ne pas montrer : la peur, le poids, l'effroi. Et bien que le rapport aux surveillants soit biaisé, Arnaud Théval parvient à soulever un voile et rapporter un témoignage poignant : "Personne n'est fait pour ça". Au fil des pages, le monde qu'il a recomposé finit par dénoncer la fausseté du regard que nous posons tous sur ce lieu, qui reste à jamais extérieur à notre vie. C'est cela que disent ses images : cette fausseté, l'impossibilité à comprendre l'univers carcéral. Les bouts de scotch, une croix, un clou, un vieux sapin de Noël abandonné composent l'univers d'une poésie désespérée dont on ne peut qu'éprouver la honte d'en être le témoin inutile...

Citation

En prison, même le dehors est comme un dedans.

Rédacteur: Joël Jégouzo vendredi 16 février 2018
partager : Publier dans Facebook ! | Publier dans
MySpace ! |

Pied de page