True Crime. 1, Les Prototypes

Je ne suis pas là pour défendre Greg. Il a brisé ta carrière. Il a simulé sa propre mort. Son ADN a été découvert sur une scène de crime. S'il a assassiné Cecelia Callister et son fils Clay, je ne tiens aucunement à ce qu'il s'en sorte. Toi, non plus, n'est-ce pas ?
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Essai - Policier

True Crime. 1, Les Prototypes

Faits divers MAJ lundi 14 novembre 2016

Note accordée au livre: 3 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 18 €

Collectif
Avec la collaboration d'Alain Bauer, Stéphane Bourgoin, Dominique Rizet, Frédéric Ploquin, Frédérique Lantieri, Laurent Obertone, Michel Mary, Charles Diaz & Anne-Sophie Martin
Introduction de Frédéric Ploquin
Postface de Frédéric Ploquin
Paris : Ring, mars 2016
282 p. ; 22 x 14 cm
ISBN 979-10-91447-44-7
Coll. "Murder ballads"

Le club des neuf

Tout d'abord, intéressons-nous au packaging de ce livre qui, comme chacun sait, doit déclencher l'achat. Le sens de True Crime, sa typographie, les auteurs en étiquette coupée, la bande jaune, les termes "Volume", et "Prototypes", le nom de la maison d'édition RING, la photo de ferme en bois noyée dans le noir et, enfin, le nom de la collection "Murder Ballads" : tout indique que l'on va se retrouver face à un recueil d'affaires américaines ! Surtout que Stéphane Bourgoin est au sommaire avec "Le Premier Serial Killer". En fait, c'est un leurre : le serial killer en question est un Français vivant dans une grotte, violeur, assassin et même anthropophage nommé Blaise Ferrage Peyé. Il est né en... 1755. "Les Spécialistes du faits divers réunis pour la première fois", clame la couverture en capitales. Et, derrière, les voilà tous en mini-photos couleurs avec leur CV. Ils sont dans le journalisme papier ou TV, commissaires ou criminologues. Tous français, tous traitant ici d'affaires françaises. Que ne faut-il pas faire pour attirer les lecteurs sur autre chose que les tueurs en série made in US ?

Voilà donc la fine fleur des médiateurs du crime hexagonal mise à contribution. Laurent Obertone, Anne-Sophie Martin et Dominique Rizet sont journalistes spécialisés. Certains, comme Frédérique Lantieri (son air décidé, ses cheveux gris coupés court, son maquillage et ses bijoux, son débit sec) ou Michel Mary (son air bonhomme, sa voix pateline) sont familiers des téléspectateurs de Faîtes entrer l'accusé (présentatrice) et Enquêtes criminelles (consultant). Frédéric Ploquin, journaliste à Marianne chapeaute le projet avec une introduction et une conclusion dynamiques genre chef de meute. Il annonce que True Crime sortira tous les six mois ! Ce volume est donc le premier d'une série dont le deuxième numéro paraîtra en octobre 2016. Un projet à mi-chemin entre la revue, le livre et l'encyclopédie ? Voyons à l'intérieur.
Pas de bibliographie, pour ainsi dire aucune note. Visiblement, on vise la lecture plaisir. Chaque article est annoncé par un portrait de l'auteur pleine page, noir et blanc très contrasté et non souriant (on est quand même dans le sujet dramatique) qui est identique à la petite image couleur de la quatrième de couverture. Pourtant, malgré cette enveloppe un peu racoleuse, la lecture du contenu, qui est quand même le but ultime de cet ouvrage soigneusement élaboré, s'avère motivante. Tout d'abord pour le choix souvent inédit des affaires. Enfin par une écriture vigoureuse, dynamique et actuelle, empruntée au style journalistique, sans doute résultat d'une relecture efficace qui a permis de donner à l'ensemble des écrits une unité bienvenue.

Les affaires connues (L'Enlèvement du Baron Empain/Frédéric Ploquin ; Le Gang des tractions avant"-Pierre Loustel dit Pierrot le Fou/Charles Diaz ; Le Chasseur de vieilles dames-Thierry Paulin/Michel Mary) permettent, par leur longueur de bien détailler la chronologie, les coups d'éclat, et les avancées de l'enquête. L'histoire d'"Unabomber", ce génie vivant dans une cabane et auteur de multiples attentats à la bombe, et celle du violeur assassin pédophile Christian Van Geloven sont aussi bien traitées par Laurent Obertone1 et Dominique Rizet. Quant à Alain Bauer, il s'attache à Khaled Kelkal, premier "gangsterroriste" en 1995, notion qui rebondit actuellement avec les attentats après l'affaire Mehra. Anne-Sophie Martin nous livre, elle, avec "La Veuve au poignard liquide", l'affaire d'une cocotte, Eugénie Bricourt dite "La Veuve Gras", ou encore Jeanne de la Cour, qui fait vitrioler son jeune et riche soupirant en 1877. Voilà un excellent récit qui se termine sur les cas actuels où ce sont les femmes qui se font vitrioler. Enfin, Frédérique Lantieri, frappe un grand coup avec une histoire qui a fait l'objet d'une thèse d'Emmanuelle Jouet : celle des "Enfants des Vermireaux", première enquête et procès en 1911 du personnel et de la direction d'un établissement après plaintes et mutineries des enfants incarcérés. C'est la première fois que la parole de ce type d'enfants va être entendue. Nous sommes dans le Morvan "une région dure et pauvre qui, depuis le XIXe siècle accueille la moitié des 'enfants assistés' du département de la Seine et sert de 'vivier à nourrices' pour la bourgeoisie parisienne". On verra que cette tradition s'est poursuivie jusqu'à nos jours et que les mauvais traitements sur enfants en péril ont de nouveau éclaté avec l'affaire Émile Louis. À Quarré-les-Tombes, dans l'Yonne, l'établissement des Vermireaux héberge des enfants malades, puis handicapés, puis orphelins, puis abandonnés, puis condamnés. Pour bénéficier des allocations, Armand Landrin, l'agent de placement, élargit en effet son cercle de recrutement grâce à ses appuis politiques. Il y a des viols, les enfants sont traités comme des chiens et certains en meurent. S'appuyant sur l'écrit d'Emmanuelle Jouet (dont la conception de la thèse est elle-même une histoire stupéfiante), Frédérique Lantieri dresse un tableau social qui fait froid dans le dos en mettant en évidence les terribles manquements de l'Assistance Publique et des politiques abusés par un fonctionnaire et une directrice...

Un premier volume qui est quelque peu atypique et intriguant. Attendons la suite...

NdR - L'anthologie comporte les textes suivants : "Rapt mortel à Paris", de Frédéric Ploquin, "Le Sang des filles", de Dominique Rizet, "Le Premier serial killer", de Stéphane Bourgoin, "Les Enfants des Vermiraux", de Frédérique Lantieri, "Unabomber", de Laurent Obertone, "Le Chasseur de vieilles dames", de Michel Mary, "Un gang en France", de Charles Diaz, "La Veuve au poignard liquide", d'Anne-Sophie Martin & "Le Premier gangsterroriste", d'Alain Bauer.

1. Le rédacteur ne s'attache qu'à la qualité du présent article, et la rédaction de k-libre ne saurait cautionner les idées politiques de son auteur, Laurent Obertone.

Citation

De leur côté, le procureur Grébault et le jeune juge d'instruction Guidon sont eux aussi ébranlés par ce que racontent les pensionnaires : les privations de soins et de nourriture, la soupe au purin, la teigne, la gourme, les enfants morts, les coups à faire saigner, les plaies purulentes, les mises au cachot injustifiées, la faim, le froid, les morsures du chien Diabolo, et même les viols, ce que le procureur appelle pudiquement 'des actes contre nature'.

Rédacteur: Michel Amelin lundi 14 novembre 2016
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