Ténèbres, ténèbres

Il se réveillait tôt avec toujours des idées sombres et des questions sans cesse nouvelles. Elles mûrissaient dans la nuit et l'arrachaient du sommeil. Chaque matin, il lui fallait réinventer sa vie. Quelques étirements, un bon litre de café noir, des bisous à ses enfants, un baiser à sa femme. Et une bonne gorgée de whisky en arrivant au boulot !
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mardi 16 avril

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Roman - Policier

Ténèbres, ténèbres

Social - Musique - Assassinat - Procédure MAJ jeudi 03 mars 2016

Note accordée au livre: 5 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 22 €

John Harvey
Darkness, Darkness - 2014
Traduit de l'anglais par Karine Lalechère
Paris : Rivages, novembre 2015
334 p. ; 23 x 16 cm
ISBN 978-2-7436-3410-0
Coll. "Thriller"

All the good times are gone

Charlie Resnick, le personnage central de ce roman, et d'une série qui se déroule à Nottingham et dont ce serait le douzième et ultime volet, est âgé. mais il ne peut se résoudre à raccrocher et aide alors les enquêteurs plus jeunes. Il est bien connu des amateurs du genre. Lui-même est également amateur mais de jazz et au cours de ce récit, il évoque notamment de grands musiciens qui ne jouaient pas toujours juste mais laissaient passer une grande émotion. C'est sans doute en pensant à ce style de joueurs que John Harvey a construit son intrigue. Visiblement, ce n'est pas l'enquête en soi qui le motive, mais le plaisir de raconter la vie de personnages, de faire interférer les périodes, de montrer les mouvements et les stabilités d'une société.
Aujourd'hui, alors qu'ils travaillent sur un chantier, des ouvriers mettent à jour un cadavre, celui d'une femme morte trente ans auparavant. Cela ramène Charlie Resnick aux sombres heures des grèves de mineurs, alors que son boulot de policiers consistait plus à surveiller les grévistes et à empêcher les violences entre ces derniers et les jaunes qu'à vraiment s'occuper de criminalité. Il se souvient de la personne défunte car elle était une passionaria de la révolte. Lorsqu'elle avait disparu, tout le monde avait pensé qu'elle avait fui avec un jeune ouvrier rouquin, même si certains avaient accusé le mari, un "jaune" de l'avoir tuée. Alors, Charlie Resnick doit rouvrir le dossier en compagnie d'une "étoile montante" de la police, une jeune femme noire. C'est l'occasion pour John Harvey de décrire le quotidien de la police adepte de cold cases : retrouver les témoins encore vivants, mettre des noms sur des visages, des souvenirs enfuis et enfouis, essayer de démêler les nouveaux noms des jeunes femmes qui entre-temps se sont mariées et ont divorcé. Mais il s'agit aussi de concilier avec des journalistes qui aimeraient bien en profiter pour relancer l'idée d'un tueur en série caché depuis trente ans. C'est bien connu : le tueur en série fait vendre du papier. L'histoire, par une suite de flashbacks sur le quotidien de la jeune femme permet d'être un cours d'histoire vivant et palpitant, entre les grévistes exaltés et les violences policières. L'héroïne est coincé entre un mari qu'elle aime, un prétendant qui a le goût du danger, et son ambition de participer à la lutte des classes. Comme leitmotiv, rengaine de son histoire, John Harvey évoque le rôle particulier des femmes, la violence qui leur est faite, leur courage face aux difficultés de la vie. Cela vaut pour la défunte, comme pour la policière, avec des souvenirs pour Charlie Resnick de sa dernière compagne, abattue devant sa porte. Un focus émouvant est également porté sur les familles des victimes, sur le mari, les enfants ou la sœur, qui attendent depuis des années de savoir ce qui est arrivé à cette jeune rebelle.
Ténèbres, ténèbres évoque comment, petit à petit, individuellement (la personne morte) ou collectivement (les mouvements sociaux), les mémoires sont le seul rempart efficace contre la barbarie, contre un monde obscène et sombre qui nous guette et attend de nous engloutir, un monde qu'il vaut mieux observer de loin, avec un whisky, en écoutant un air de jazz de Thelonious Monk, en espérant juste que nos petites actions laisseront encore briller un peu de clarté.

Citation

Resnick se détourna. Ils meurent tous, Charlie. Un écho, lointain, sous la mélodie au piano qui s'égrenait toujours quelque part dans son esprit.

Rédacteur: Laurent Greusard jeudi 03 mars 2016
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