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Roman - Policier

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Social - Tueur à gages - Gang - Trafic MAJ vendredi 25 mars 2016

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 23 €

Fabrice Pichon
Paris : Lajouanie, janvier 2016
622 p. ; 19 x 14 cm
ISBN 978-2-37047-065-2

Duel (mais pas au soleil)

Marc Segarra est cadre dans une société d'assurance où il courbe le dos. Il est marié à une femme qu'il ne baise plus. Il a trois enfants qui ont grandi trop vite, des dettes qu'il ne peut pas rembourser et un horizon qui ne respire pas spécialement l'espoir puisqu'il s'appelle "la rue". Marc Segarra est acculé, harcelé, broyé par le système et bientôt, même en ayant un travail, il devra vivre dehors, coucher sous les ponts avec toute sa petite famille dont un garçon handicapé. Vive le XXIe siècle ! Seul moment de détente, d'évasion qu'il lui reste : les 5 à 7 avec Sylvie, sa maîtresse. Sylvie est une prostituée indépendante que Marc Segarra allait voir quand les fins de mois n'étaient pas encore pour lui synonyme de "fin tout court". Il continue de la fréquenter sauf que maintenant il ne paye plus : la demoiselle s'est complètement amourachée de lui. Il l'aime aussi mais ne lâchera pas son ménage. Il est justement chez elle quand débarque un gros méchant qui veut forcer Sylvie à entrer dans le réseau de prostitution d'un Roumain surnommé "La Baleine". C'est là que Walter (qui est le double de Marc, même si à ce moment celui-ci ne le sait pas encore) fait ses premiers pas en désarmant le vilain pas beau et en le foutant dehors. Marc se découvre un courage et une faculté de réaction qu'il ne soupçonnait pas et le voilà, en prime, détenteur d'un flingue (celui de l'affreux) qui pourrait bien l'aider à régler ses problèmes de frics... Marie Salvan est commissaire. Elle aimerait bien faire tomber les deux réseaux de prostitution qui s'affrontent : celui du Roumain "La Baleine", donc, et celui d'un Ukrainien (vive l'Europe !) nommé Kotliarov. Elle est professionnelle et aime son job même si ce n'est pas un quotidien très affriolant. Du moins jusqu'à ce qu'apparaisse le genre de personnage que l'on ne voit normalement que dans les films ou dans les romans : le tueur à gages...
Fabrice Pichon signe ici son cinquième roman. C'est maîtrisé, c'est tenu. Le monsieur connaît son job. Il sait nous embarquer dans son histoire et nous tient en haleine jusqu'au bout. La grande qualité de son écriture, c'est de nous faire croire que ça va patiner un peu et, hop !, il accélère d'un coup pour nous empêcher de poser son roman. Du grand art ! Il manie aussi parfaitement les allers-retours entre réalité et fiction. Il y a d'un côté une vraie critique sociale, une réelle plongée dans ce que peut être l'enfer du quotidien pour malheureusement beaucoup de nos contemporains dans cette société qui est la nôtre, où l'argent-roi a définitivement détrôné l'humanité, et qui fait peur dès lors que l'on s'identifie un peu au personnage de Marc qui, bien qu'étant cadre, peut du jour au lendemain devenir SDF. D'un autre côté, des références plus ou moins sous-entendues à toute une culture populaire et policière nous replacent sur les rails du polar (humour, rebondissements, suspense, grosses et petits ficelles dans un souci de cohérence), c'est-à-dire dans un univers qui colle au vraisemblable tout en nous emmenant ailleurs, même si tout ça reste plutôt réaliste. Il y a quelque chose que j'apprécie particulièrement : la galerie de personnages. Elle est digne de cette fameuse époque où le cinéma ne méprisait pas les seconds, troisièmes et quatrièmes rôles, à tel point que si ce roman était adapté (convenablement) sur la toile, il y aurait de quoi s'amuser pour les acteurs (à condition que le casting soit également convenablement fait, c'est-à-dire en prenant des acteurs faits pour les rôles et non des acteurs pistonnés qu'il faut à tout prix faire travailler... chut !). Mon seul bémol concerne certains dialogues qui font un peu clichés (et là, pour le coup, peut-être que les références sont en cause car j'ai vraiment l'impression que l'auteur a voulu retrouver quelque chose, une façon de parler, un style de réplique qu'il appréciait fortement dans des films ou dans d'autres livres). Mais, pour moi, la vraie performance de ce roman c'est d'avoir réussi à placer tous les protagonistes en position de duel (d'où le titre de cette chronique). Tous mènent un combat contre quelqu'un ou quelque chose. Certains contre la hiérarchie, certains contre la société, certains contre leurs familles, certains contre les idées reçues, certains contre leurs sentiments, certains contre leurs pulsions, certains contre la loi, certains contre leurs milieux, certains contre leurs attirances sexuelles et/ou sentimentales, certains contre leurs peurs, certains contre eux-mêmes. Les personnages se retrouvent toujours face à un combat qu'ils doivent livrer en fonction bien évidemment de leur propre morale (on est loin de l'approche manichéenne du Bien contre le Mal), mais aussi et surtout en fonction de la réalité des choses. Et c'est là que toute la perversité du fonctionnement de notre société apparaît sous les questionnements de Marc Segarra : face à un système sans cœur qui s'acharne sur vous parce que vous êtes accessible comme le sont ceux que Georges Simenon appelait "les petites gens", faut-il tout faire pour s'en sortir, quitte à devenir quelqu'un que la morale (puisque le comble c'est qu'elle existe toujours) de la société réprouve et condamne ?

Citation

Elle avait envers moi une espèce de condescendance presque agaçante. Mais elle avait raison sur deux choses : j'avais merdé, et la justice ne me lâcherait pas. Intérieurement je maudissais Walter et son arrogance. Intérieurement, j'avais envie de lui avouer que c'était l'autre, que je n'y étais pour rien... J'ai fermé ma gueule naturellement, et j'ai continué à faire profil bas.

Rédacteur: François Legay vendredi 26 février 2016
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