Le Hotu : chronique de la vie d'un demi-sel

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Roman - Noir

Le Hotu : chronique de la vie d'un demi-sel

Braquage/Cambriolage - Arnaque MAJ jeudi 23 juillet 2009

Note accordée au livre: 5 sur 5

Grand format
Réédition

Tout public

Prix: 22,9 €

Albert Simonin
Paris : La Manufacture de livres, avril 2009
512 p. ; 23 x 14 cm
ISBN 978-2-35887-001-6

Un demi-sel bien sucré

À ceux qui pensent qu'il suffit d'une bonne histoire pour écrire un livre, Albert Simonin rappelle que plutôt que du fond, il faut d'abord du style. C'est peut être pour ça que Raymond Queneau (Raymond La Science ?) ne s'est jamais aventuré à écrire "Exercice de fond". De la même façon, un voyou qui a du style s'en sortira toujours mieux auprès des dames qu'un voyou qui n'a que du fond. Si vous voyez ce que je veux dire. On ne leur demande pas, après tout, de faire la conversation. C'est peut être d'ailleurs le grand mystère de l'humanité qui nous est révélé ici, tout à coup : on se passe aisément de la vérité, ou de sa recherche, pourvu qu'on puisse accéder au rêve, à la passion, au grand frisson, un bon coup.

Le Hotu : chronique de la vie d'un demi-sel, publié par la Manufacture de livres est la bonne idée de l'assemblage de trois romans sortis successivement dans la "Série noire" chez Gallimard : Le Hotu, 1968, Le Hotu s'affranchit, 1969, Hotu soit qui mal y pense, 1971. Le Hotu est un bon coup justement (on complète aisément tout au long de la lecture son kamasutra personnel grâce à la puissance invocatrice du funiculaire mexicain, de la figue enchantée, du gyroscope siamois, ou du fameux berger, bergère, et du royal "à la duc d'Aumale" !). Et c'est pas Léone, bourgeoise vicelarde du boulevard de Courcelle, qui oscille entre le "Grand Opéra lubrique avec invocation psalmodiées au chibre de voyou" et "l'univers rigoureux régi par le trois pour cent, étayé par le Suez et la Royal Dutch" qui dira le contraire. Le Hotu, alias Johnny sait sortir les femmes du bois pour se faire entretenir. Séduisant, malin, parlant couramment l'anglais, homme jeune et moderne, Johnny se démarque de la vieille génération du milieu, ces Messieurs les Hommes un brin largués. Au pays de la métaphore facile des Dédé le Spahi, Jo l'Anguille, Max le Menteur, Félix l'Albinos, Suzon la Ravissante, Gégène le bombé, Ange la Méthode, Doudou le Nantais, Margot la Môme, Marcel les Belles Dents, Paulo la Chopine, Fernand le plombier, Nénesse de Bordeaux, Henri le Loufiat, Madame Renée (faites venir un deuxième panier à salade !), Johnny, trop heureux avec les femmes, gagne un surnom : le Hotu : un poisson d'eau douce parfois appelé Nase dont le rapport économique n'a que peu d'intérêt nous dit Wikipedia encore aujourd'hui... On l'accepte mal dans le milieu : trop distingué, trop bien sapé, pas assez homme, pas assez populo. Le Hotu, c'est aussi la lutte des classes à la Belle Époque, avec pour décors Montmartre et le va et vient de la misère à l'opulence avec souvent un ticket retour.

Malgré les efforts d'Albert Simonin pour mettre en place une narration soignée, digne des meilleures séries télés (on pense aux Soprano dans le montage), on ne lit pas Le Hotu pour l'histoire qui y est racontée. On ne lit pas non plus Le Hotu comme le témoignage d'une époque révolue ou le monde des voyous, encore épargné par le fléau de la drogue, répond au code d'honneur. À la limite, on peut lire Le Hotu, parce que, mal élevé à la base, on veut s'amender en cherchant un bréviaire pour mieux se comporter en société. Mais surtout, on lit Le Hotu parce qu'on se fascine pour une langue et qu'à ce titre on est confronté à un discours profondément vivant vecteur d'une ébouriffante leçon de liberté.


On en parle : 813 n°105

Citation

Un ensemble à ne laisser nul passer inaperçu : Paulo moins que quiconque, dont la tronche canaille trahissait, sous l'effet de certains états d'âmes, le petit chromosome rabouin, récolté par une grand-mères gaillarde au hasard de galipettes furtives dans les fossés des fortifs.

Rédacteur: Olivier Nouvel mercredi 22 juillet 2009
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