Une femme sous la menace

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mardi 16 avril

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Roman - Thriller

Une femme sous la menace

Psychologique - Mafia - Procédure MAJ jeudi 31 juillet 2014

Note accordée au livre: 3 sur 5

Poche
Réédition

Tout public

Prix: 8,1 €

Nora Roberts
The Witness - 2012
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Joëlle Touati
Paris : J'ai lu, mai 2014
476 p. ; 18 x 11 cm
ISBN 978-2-290-08760-2

Blocage : mode d'emploi

C'est peut-être le moment de lire un roman récent de celle qui est devenue en vingt ans l'impératrice de la littérature féminine avec plus de deux cents titres et "quatre cents millions de lecteurs dans le monde" dixit le slogan de J'ai lu. Cette usine à gaz, cette bombe atomique éditoriale rafle tout. On l'édite, on la réédite, on lui fait des collections à son nom, on la fait passer par tous les formats possibles, on la compile en intégral et elle cartonne dans tous les sous-genres du sentimental : le tradi contemporain, le terroir US, le folklore écossais ou irlandais, la guimauve sous le soleil tropical, le fantastique, la science-fiction, le new age et le policier auquel appartient le titre qui nous occupe. Comment fait-elle ? Quel est le secret d'écriture de cette pondeuse en batterie ? C'est ce que nous allons tenter de découvrir grâce à la structure d'Une femme sous la menace, roman édité en 2012 et donc œuvre de maturité de la romancière.

Première partie de cent pages : en 2000, Elizabeth Finth, seize ans, brillant produit d'une neurologue glaçante et d'un don de sperme sélectionné sur catalogue, se teint les cheveux, se fabrique de faux papiers et, avec une copine, sort en boîte où elles sont draguées par le propriétaire russe et son cousin. À moitié saoules, dans l'appartement du propriétaire, la copine se fait sauter tandis que notre héroïne cuve sur la terrasse. Arrivent deux tueurs qui exécutent le propriétaire et la copine. Elizabeth a juste le temps de fuir. Elle prévient les flics. Grâce à sa mémoire et sa faculté d'analyse phénoménale, elle s'avère un témoin hors norme pour coincer la famille Volkov. On la met sous protection d'un couple de flics maternant, mais une autre équipe de flics vendue à la mafia russe descend tout le monde avant d'exploser la maison. Elizabeth a cependant le temps de fuir.
Deuxième partie de cent trois pages : en 2012, le craquant chef de la police d'une commune adorable de l'Arkansas entreprend de conquérir une mystérieuse femme cloîtrée dans sa propriété avec son dogue, ses systèmes d'alarme et ses armes...
Troisième partie de cent vingt-cinq pages : conquise, l'ex Elizabeth devenue Abigail, hackeuse et patronne fantôme d'une société de sécurité informatique, assume enfin son passé et continue son projet d'anéantir le réseau Volkov grâce à Internet. Parallèlement, son amant flic résout quelques affaires annexes dans sa commune.
Quatrième partie de cent vingt-cinq pages : Elizabeth décide de se porter témoin clé dans le procès Volkov. Les flics lui organisent une nouvelle exfiltration. Elle pourra enfin vivre le grand amour avec son chef de la police.

Les ingrédients de la première partie constituent le "secret traumatique" de notre héroïne que Nora Roberts va réexploiter lors d'interminables dialogues de "conquête" avec le beau chef de la police. Quand l'héroïne lâche son secret, elle entre dans une relation saine avec l'homme et sa famille. Sous-entendu : la femme devient femme après avoir explicité ses blocages grâce à l'attention de l'homme désirant. Elle entre ainsi dans la normalité sociale et peut viser le bonheur. Les sous-intrigues de la commune et ses habitants ne servent qu'à remplir l'espace du roman qui, en grande partie, est constitué de dialogues dans le couple passant de l'antagonisme, à la séduction, puis à l'amour et enfin à la complicité. Tout est redites d'actions, commentaires et interprétations (dont les douze années séparant la première partie de la deuxième). En fait, on se rend vite compte que Nora Roberts travaille sur des scènes clé de la séduction par la parole qu'elle sait diluer sur des dizaines de pages grâce à son style léger, vif, et plein d'humour. Notre héroïne témoin pourrait être aussi bien une princesse écossaise poursuivie par un clan ennemi, une mutante ou une petite fille échappée d'un massacre familial comme dans la variante Sauvée du crime de la série "Eve Dallas" aussi chez J'ai lu. Pavé oblige, la progression est assurée en "mini-livres" avec schémas immuables. On remplace, dans la scène de prise de contact "communale", l'ex baba cool maman du flic par une hôtelière, une guérisseuse, une collègue sympa et on adapte les détails. Ainsi, il nous apparaît que l'invraisemblable productivité de Nora Roberts et de ses consœurs repose en grande partie sur ces schémas préétablis de dizaines de pages de dialogues entre personnages calibrés qu'elles reprennent et adaptent de livres en livres.
En conclusion, par la démarche dialectique de conquête sociale et de révélation sexuelle grâce à l'homme-pivot qui va savoir s'imposer par son côté rassurant et assuré, on est ici dans un roman sentimental très calibré et même un peu vieillot malgré la sauce criminelle contemporaine étalée avec art par Nora Roberts. Preuve qu'elle reste avant tout un auteur de genre, certes prisonnière de ses structures, mais pour le plus grand bonheur de ses lectrices qui apprécient sa saisissante dextérité à broder différemment sur le même canevas : celui du fantasme de l'homme au service du bonheur de la femme.

Lire l'article consacré à la série Lieutenant Eve Dallas.

Citation

Après leur longue douche brûlante de plaisir, debout devant la table de la cuisine, elle se demandait comment accommoder les pommes de terre.

Rédacteur: Michel Amelin mercredi 30 juillet 2014
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