Le Système D

Donc, deux possibilités de salut, mais l'une ne valait guère mieux que l'autre ; le café ne resterait pas ouvert toute la nuit et il n'était pas du tout sûr que Marpot pût atteindre l'orée du bois avant d'être rejoint ou abattu d'une balle.
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Roman - Noir

Le Système D

Hard boiled - Ésotérique - Urbain - Apocalyptique MAJ mardi 01 juillet 2014

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 21 €

Nathan Larson
The Dewey Decimal System - 2011
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Patricia Barbe-Girault
Paris : Asphalte, juin 2014
256 p. ; 20 x 15 cm
ISBN 978-2-918767-43-5
Coll. "Fictions"

Grande Pomme flétrie

La vision négative d'un New York ébranlé par les événements du 14-Février imaginée par Nathan Larson est saisissante par le fond et la forme. Sous couvert de l'écriture d'une contre-utopie dans un futur tellement proche que l'on se demande s'il n'est pas passé, il offre une Grande Pomme flétrie et vérolée (de l'intérieur : c'est une évidence) avec une construction narrative intéressante et un personnage surprenant, espèce de anti-héros amnésique, hypocondriaque et paranoïaque qui se retrouve au cœur d'un véritable roman hard boiled.
Les événements du 14-Février sont du genre à avoir dépassé ceux du 11-Septembre. A New York, les citoyens sont encore moins égaux les uns que les autres. Parmi eux, Dewey Decimal erre dans une bibliothèque où il compulse des ouvrages selon la nomenclature du même nom (en commençant par 0000), quand il ne travaille pas comme tueur à gages pour le procureur de la ville. Seulement, il a son propre code moral, le Système. Et dans cette histoire, son Système va se montrer particulièrement récalcitrant aux injonctions d'un procureur qui entend faire la peau par procuration d'un mafieux ukrainien. Les intentions du procureur ne sont pas claires, et les motivations de son tueur vont être de moins en moins évidentes. Dewey est convaincu que l'on a modifié ses souvenirs, et que son passé est corrompu. À la recherche de son identité (que connait vraisemblablement le procureur qui exerce un chantage), il croise la route d'une belle quadragénaire (enfin presque, à un an près) lettone, femme abandonnée de l'Ukrainien ciblé, image même de la femme fatale, qui vient chambouler et son univers et surtout ses habitudes. Ses habitudes ? L'homme passe son temps à avaler des comprimés pour ne pas que son cerveau explose et collectionne les flacons de Purell® pour se laver les mains des moindres bactéries qui prolifèrent dans la ville américaine. Mais il a pour lui de connaitre toutes les lignes de métro, d'avancer avec la chance de l'individu déstabilisé et d'être un fin tireur qui collectionne toutes les armes qu'il trouve ici et là, surtout un Sig Sauer.
Comme toujours dans les romans de ce genre, la femme fatale complique la donne car elle exerce un pouvoir sur plusieurs hommes aux identités encore plus troubles que leurs motivations. Nathan Larson y ajoute un brin d'ésotérisme avec une main momifiée, espèce de faucon maltais que tout le monde souhaite récupérer ; et puis une horde de poursuivants cosmopolites mais surtout serbes (avec une agent double du FBI et d'autres plus corrompus mais qui ne se considèrent pas doubles). Son personnage principal multiplie les discours introspectifs et les plans alambiqués dans un récit enlevé qui ne laisse que peu d'espoir à l'espoir. Quelques scènes ubuesques et hallucinantes ponctuent une intrigue décalque des grands romans noirs des années 1920 dans une cité en perdition du XXIe siècle expliquant par là-même que l'Histoire n'est qu'un éternel recommencement, et qui si l'intrigue n'est pas originale, elle tire son originalité de la manière qu'à Nathan Larson de l'aborder. Le Système D est un très bon roman de fin d'année, qui justifie le lien de parenté entre littérature urbaine et noire cher à David Goodis. Qui s'en plaindra ?

Citation

Le coup de le cacher bien en évidence en pensant que ça ne se verrait pas, c'est du n'importe quoi. Ça marche pas, mais alors pas du tout. Surtout quand le fouineur n'est pas au courant qu'il y a quelque chose de planqué.

Rédacteur: Julien Védrenne lundi 30 juin 2014
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