Clandestines

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Roman - Thriller

Clandestines

Tueur en série - Religieux MAJ mardi 15 avril 2014

Note accordée au livre: 3 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 21 €

Zoë Ferraris
Kingdom of Strangers - 2012
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Françoise Rose
Paris : Belfond, mars 2014
350 p. ; 24 x 16 cm
ISBN 978-2-7144-5472-0
Coll. "Littérature étrangère"

Larmes de sueur

À quoi reconnaît-on un régime totalitaire ? Certes, Il y a la torture, le massacre des opposants, mais c'est surtout une acceptation des valeurs dominantes, une surveillance de chaque instant, un contrôle de la vie civile, l'impression pour chaque citoyen de ne pas pouvoir faire quelque chose car cela serait non conforme aux règles édictées. À Djeddah, importante ville d'Arabie Saoudite, il y a une police officielle chargée d'enquêter sur les crimes et délits et, à côté, une police idéologique qui vérifie que tout se déroule selon la loi religieuse. La police arrête les suspects, les maltraite, les torture jusqu'à ce qu'ils avouent (ce qui permet au commissaire local d'avoir un taux d'élucidation que beaucoup lui envieraient). Lorsque les crimes sont graves, les condamnés sont exécutés en place publique, voire exposés de longues heures pour l'édification des masses. Mais la police enquête aussi sur les crimes d'adultère, sur les manquements religieux, y compris dans ses propres rangs.
Dans ce Clandestines, nous allons suivre en parallèle deux enquêtes : dans la première Ibrahim, un policier honnête, et Katya, une jeune femme, cherchent à savoir qui se cache derrière des meurtres en série touchant principalement des employées asiatiques. Dans la seconde, Ibrahim cherche à découvrir ce qui a bien pu arriver à une jeune femme dont il était l'amant. Les deux enquêtes sont sans cesse perturbées par l'atmosphère religieuse totalitaire&,nbsp;: le policier Ibrahim est surveillé par d'autres policiers car il est adultérin, Katya est suspecte car femme, et lorsqu'elle commence ses investigations, elle est obligée d'avoir une salle privée pour travailler. Le roman de Zoë Ferraris multiplie les petites saynètes, les réflexions, les détails qui montrent combine il est difficile de vivre dans une telle ambiance. Ne citons que la morgue où les hommes ne font rien tandis que les femmes croulent sous le travail car il est bien entendu interdit à une personne de sexe masculin d'autopsier les corps de des femmes (et réciproquement) ! Quand on retrouve dix-neuf cadavres de femmes d'un coup, cela pose évidemment un certain souci... Mais plus que l'enquête, c'est l'atmosphère oppressante d'un système totalitaire, complètement accepté (ou presque) par les citoyens qui est dévoilé, mis en lumière. Servi par un sens du détail, de multiples anecdotes angoissantes, sans aucune bouffée d'espoir : on arrête bien les coupables mais Ibrahim est obligé de fuir et Katya coincée par un mariage qui devrait lui apporter un peu de répit. Description de zones désertiques exotiques qui renforce cet autre exotisme qu'est un monde plus qu'étrange (en quelques lignes, l'auteur décrit comment l'on se déplace avec une burqa), Clandestines évoque le sort des immigrés dans une société fermée, à la limite de l'autisme, où finalement, tous (ou presque) sont malheureux, coincés dans un manque d'évolution, une stagnation qui conduit aux pires frustrations. Malgré la chaleur qui se dégage du climat au fil des pages, c'est un roman qui fait froid dans le dos.

Citation

Il ne pouvait éluder la vérité : il se comportait comme un lâche parce qu'il voulait se protéger, protéger sa carrière et un mariage mort depuis vingt ans.

Rédacteur: Laurent Greusard lundi 07 avril 2014
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