Et l'été finira

Ils se mirent à ronchonner comme des gamins qui se retrouvent dans l'équipe du gros lard. Comme tout policier de quartier, ils détestaient frapper aux portes et s'adresser avec politesse aux membres de la population.
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mardi 19 mars

Contenu

Roman - Policier

Et l'été finira

Politique - Historique - Assassinat - Complot MAJ mardi 26 juin 2012

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 18,5 €

Maurice Gouiran
Paris : Jigal, février 2012
300 p. ; 21 x 14 cm
ISBN 978-2-914704-84-7
Coll. "Polar"

Les Vêpres marseillaises

C'est maintenant qu'il faut lire le roman de Maurice Gouiran. Maintenant que l'été commence, maintenant que la Chose Publique semble vouloir prendre un tournant avec l'élection de François Hollande. Plus tôt, sa lecture aurait tourné court, tant l'anti-sarkozysme (justifié) nous bouchait la vue. Plus tôt, le livre aurait été classé à la hâte dans la pile des bouquins qui commençaient de s'entasser sur le thème, à la fin des années Sarkozy, notez bien le détail, plutôt qu'au beau milieu de l'impossible gué que toute la classe politico-médiatique nous a forcé de franchir. C'est maintenant qu'il faut le lire, parce que ce qu'il pointe n'est rien moins qu'un travail de mémoire qui n'a jamais été fait en France.

Dimanche 26 août 1973. L'été prend fin. Olivia pose sur le Teppaz Bruce Springsteen. Clo s'éveille. Cinq ans déjà. Mai-68 prend le large, les années 1970 s'ouvrent à la grande affaire des hommes : le sexe. En long, en large et en travers, si l'on peut dire. Indifférent à la vague de racisme qui frappe soudain la région PACA. Un chauffeur de bus vient d'y être assassiné. Par un Maghrébin. Ou d'origines. On ne s'embarrasse plus de ces détails, délit de faciès oblige. La presse régionale s'en mêle. Quelle aubaine ! On va pouvoir casser du bougnoule... Le Méridional pousse au crime. Jetez-les à la mer ! Édito infect pour échauffer les esprits. Une opportunité que ce meurtre d'un pauvre chauffeur de bus. Une opportunité ? À moins qu'elle n'ait été construite. La clique de Jacques Médecin veillait au grain déjà. Car ce que la presse passe sous silence, c'est la disparition et les assassinats qui ont frappé les Français d'origine maghrébine bien avant que le chauffeur de bus ne se fasse tuer. Clo, le héros de ce roman, enquête. Nous donnant au passage une belle leçon de sociologie sur la fabrique de la figure de l'Arabe dans la société française des années 70. De crimes en ratonnades, il révèle le laxisme de la Justice, la concussion de la police, les connivences des médias, des politiques...

Un roman très éclairant sur la montée en puissance du racisme dans la société française des seventies, précis sur les lieux de production de cette fièvre raciste. Une région passée au crible donc, mais un crible nourri d'un arrière-plan historique littéralement ahurissant, où l'on apprend que dans les années 1880, de véritables pogroms ont livré, cette fois des immigrés italiens, aux massacres perpétrés par les populations locales. Découverte toute sensible, puisque nous sommes-là dans le cadre de la lecture d'un roman, non d'un essai. Pétri de fièvre donc, de cris, de souffrances, de la chair des êtres plutôt que s'affichant comme une chaire confortable depuis laquelle s'indigner sans risque. Un roman rappelant l'ordinaire des tueries oubliées, la vermine raciste, des événements inouïs que ces pogroms français, cautionnés par la puissance publique et dont les auteurs furent tous, collectivement, acquittés par le tribunal d'Angoulême le 31 décembre 1883. L'horreur d'une Histoire bien française seraient tentés de conclure les plus fatalistes, d'une histoire qui ne cesserait de se répéter, la preuve, les années 1970 s'en constituant l'écho, avant leur reprise mémorable sous Sarkozy. Mais non, justement. La force du roman est de nous donner autre chose à entendre dans ce rappel des récurrences honteuses : il n'y a pas de fatalité, mais un devoir, citoyen, civique, politique, un devoir de mémoire pour le coup, jamais effleuré dans la conscience française, qui préfère s'en prémunir en évoquant, justement, le fatalisme d'un éternel recommencement de la pulsion raciste, bien commode pour nous disculper de ne rien faire jamais sur la question...
Un roman écrit d'une plume très sûre, tenant toujours à bonne distance le documentaire, toujours suspect de satisfaire une bien malsaine curiosité.

Citation

Camus prétendait que tout ce qu'il savait de la morale, c'était au football qu'il le devait.

Rédacteur: Joël Jégouzo lundi 25 juin 2012
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