Bonnot et la fin d'une époque

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Essai - Noir

Bonnot et la fin d'une époque

Braquage/Cambriolage - Faits divers MAJ vendredi 04 mai 2012

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 21 €

Pierre-Robert Leclercq
Paris : Les Belles Lettres, avril 2012
280 p. ; 24 x 16 cm
ISBN 978-2-251-44441-3

Road movie

C'est à l'occasion du centenaire de la mort de Jules Bonnot, mort le 28 avril 1912, que sort ce nouveau titre sur le premier bandit motorisé dû à la plume de Pierre-Robert Leclercq, auteur de romans, d'essais, de biographies et de pamphlets dont la liste impressionnante ouvre et clôt l'ouvrage. Au milieu, une chronologie bien écrite et claire, découpée en chapitre titrés, avec des notes amusantes et enrichissantes, avant un index fort utile et une bibliographie. L'article du service de presse s'interroge : "Mais, si on a oublié Liabeuf assassin de policiers, la 'femme Le Laitier' égorgeant une enfant de neuf ans, Tissier et Desmarets assassins de 16 et 17 ans, Ferdinand 'l'assassin aux mains rouges' découpant ses victimes, et des dizaines d'autres dans les mêmes années, pourquoi, pour Bonnot, une telle célébrité ?"

Dans un premier temps le lecteur s'interroge, pourquoi en effet citer ces assassins, sauf Liabeuf, qui ne sont pas mentionnés dans l'ouvrage ? Tout simplement parce que Troppmann ou Mme Steinheil, cités, eux, sont restés célèbres. D'autre part, il semble un peu racoleur d'écrire en quatrième de couverture : "que telle chronique de 1912 [...] semble avoir été écrite à la fin d'un G20 ; tel reportage [...] de 1913 semble illustrer un débat sur nos quartiers dits difficiles." En tout cas, l'auteur nous livre sa version des faits en s'appuyant non seulement sur des ouvrages de références mais surtout sur des articles de journaux, notamment grâce au site Gallica cité dans la bibliographie, et qui évite de passer de longues heures dans les bibliothèques. Voici donc au programme, L'Anarchie, L'Humanité, L'Écho de Paris, L'Action Française, Le Petit Parisien, L'Excelsior etc. sans oublier Le Matin où l'écrivain Colette, reporter, suivit en direct le siège de la maison de Choisy-le-Roi où mourut Bonnot (excellents extraits) puis le procès des vingt-neuf inculpés de la "bande". C'est à travers tous ces articles que se dégage une vision panoramique de la presse de l'époque qui pouvait se montrer nettement plus "engagée" que celle de maintenant. Visiblement, elle ne craignait pas les procès en diffamation !

Le préfet Lépine et la police en prennent pour leur grade avec Le Petit Parisien pour le sensationnel, L'Action Française pour le populisme rance, sans oublier L'Anarchie et L'Humanité. Justement, c'est par le journal L'Anarchie, "journal lié d'une façon indirecte mais efficace à la bande", que Bonnot, tête brûlée, probablement assassin de son complice Platano en 1911, intègre un groupe mouvant et tentaculaire, extrémiste au point que certains n'hésiteront pas tirer à bout portant ou à se suicider au cyanure. Pratiquant la fausse monnaie, souvent dispersés, les membres sont baignés dans le combat anarchiste. Bonnot n'est probablement pas un chef véritable, il y a d'autres caractères comme Carouy, suicidé, Garnier revolvérisé ou Soudy décapité, mais son nom va s'imposer dans les médias après le meurtre du commissaire Jouin et jusqu'au fantastique siège de la maison de Choisy-le-Roi où des milliers de personnes suivirent les manœuvres d'encerclement des policiers et les tentatives ratées puis réussies de dynamitage.

Depuis, le hold up en pleine rue Ordener, le 21 décembre 1911 où un encaisseur de la Société Générale fut grièvement blessé puis le double meurtre de Thiais une semaine plus tard où un vieillard et sa bonne âgée furent massacrés, les méfaits se succèdent en Belgique (le meurtre d'un propriétaire de voiture) et en France avec la mort d'un policier intrépide qui parvint à grimper sur le marche-pied du véhicule des bandits, l'attaque d'un notaire et la mort d'un autre automobiliste. L'attaque d'une banque à Chantilly se solde par deux morts et un blessé grave. La Société Générale offre une prime, le commissaire Guichard chef de la Sûreté parisienne et son adjoint le commissaire Jouin sont mis en cause par le Préfet Lépine lui-même bousculé par le ministre de l'Intérieur. Grâce à un solide réseau d'indicateurs, la police ne tarde pas à cueillir les membres de la bande, jusqu'au 24 avril où Bonnot est localisé chez un soldeur à Ivry. Le commissaire Jouin débarque, non armé, et est abattu par Bonnot qui, blessé, fait le mort et parvient à s'enfuir.

Les morceaux de bravoure dans le livre sont les versions différentes que donnent les journaux, notamment les récits de témoignages sur les descriptions de la voiture et des bandits. Mais les meilleurs sont le récit du premier siège où Bonnot trouva la mort et celui du deuxième à Nogent-sur-Marne le 14 mai 1912, où, pareillement dynamités par des zouaves, Valet et Garnier moururent à leur tour. La foule y était chaque fois présente et entendait bien participer aux festivités. Le procès et surtout le récit de la triple exécution de Raymond La Science, Soudy et Monier avec mélange des corps et des têtes au cimetière viennent conclure cet ouvrage compétent. Un chapitre ultime raconte ce qui est arrivé ensuite aux accusés : l'un d'eux, Jean De Boë, bagnard à Cayenne est mort à Bruxelles en 1974, tandis que la dernière survivante liée à "la bande à Bonnot", Anna Dondon, maîtresse de Valet, s'éteignit à quatre-vingt-quinze ans dans une maison de retraite de Bondy en... 1979 !

Citation

L'idée vient d'un lieutenant de la garde républicaine, Paul Fontan. Il faut lancer sur la maison une charrette de foin chargée de dynamite.

Rédacteur: Michel Amelin vendredi 04 mai 2012
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