Contenu
Grand format
Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Philippe Aronson
Puzol : 13e Note, août 2011
366 p. ; 18 x 14 cm
ISBN 978-84-938027-0-7
Love and poisse
Ça commence par une scène de baise mal engagée dans un garage et ça finit par une méningite. Eros et Thanatos. Le sexe et la mort. C'est entre ces deux pôles que navigue Bobby Starck, lycéen exclu de son bahut chic et vivant en compagnie d'une mère dépressive, qui s'habille comme une starlette des années 1950 et rate tout ce qu'elle fait en cuisine. Bobby n'a pas de chance : son père, un avocat gagné à la cause des droits civiques, s'est fait écraser par un tramway. Sa mère se fait interner régulièrement, comme d'autres vont se faire un lifting. Mais tout n'est pas si noir que ça, n'est-ce pas ? Bobby aimerait bien le croire ; il sent bien qu'à son âge le sexe est la grande affaire de sa vie. Il ne pense qu'à ça. On l'initie, plutôt mal. Le père de son initiatrice en profite pour lui tatouer douloureusement une rose sur la poitrine, puis se suicide ensuite au téléphone in live. Bobby culpabilise. Comme il culpabilise encore, quand il pense à la mort de son père... En fait, tout au long du récit, qu'il soit lucide ou défoncé à la marijuana, Bobby voit le monde à travers les verres grossissants de sa culpabilité. Et quand il retrouve enfin Michelle Burnelka, l'amour de sa vie, une teen-ager échappée de Hare-Krishna, il va découvrir combien il n'en a pas fini avec son désespoir...
Situé en 1970, le roman de Jerry Stahl est un bijou de noirceur et de drôlerie. Sur fond de guerre du Vietnam et de mouvement hippie, il évoque l'initiation sentimentale d'un pauvre gosse que la vie n'a pas épargné dès le début. Son regard sur les adultes est sans concession. Au mieux, ils sont alcooliques ; au pire, obsédés. Seul le père de Bobby reste une référence, mais il est mort. Le chemin du bonheur, on l'aura compris, ce n'est pas pour Bobby.
L'univers de Jerry Stahl rappelle à la fois celui de Philippe Roth dans Portnoy et son complexe (détails sexuels délirants ou carrément trashs) et celui de Hubert Selby Jr dans sa façon d'évoquer les paumés et la drogue. L'écriture est rapide, ironique ; on y pleure et on y rit comme dans une pièce de Shakespeare. Les dialogues savoureux font passer les pires situations pour une partie de plaisir. Et on en redemande...
Jerry Stahl, américain vivant à Los-Angeles, est écrivain et scénariste pour le cinéma et la télé ("Twin Peaks", la chaîne HBO). 13e Note a déjà publié de lui son autobiographie, Mémoires des ténèbres, qui est devenu un film avec Ben Stiller sous le titre de Permanent Midnight. Saluons au passage le travail de cet éditeur spécialisé dans la littérature américaine contemporaine et qui offre aux lecteurs de beaux livres au format carré. La photo d'Eliott Erwitt, qui illustre la couverture de Perv, mérite aussi d'être signalée. Occasion de découvrir ou de redécouvrir ce magnifique photographe des années 1950-60.
Citation
Il y a deux types de gens sur Terre : ceux qui font semblant d'exister et ceux qui font semblant d'être inexistants.