Dynamite ! Un siècle de violence de classe en Amérique (1830-1930)

Dans la Russie de l'après-perestroïka, ce sont les anciens boxeurs, judokas ou lutteurs qui ont souvent fait les meilleurs policiers grâce à cette habileté à deviner l'individu se trouvant en face d'eux.
Alain Coltier - Angel
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Essai -

Dynamite ! Un siècle de violence de classe en Amérique (1830-1930)

Historique - Hard boiled - Autobiographie MAJ vendredi 07 octobre 2011

Note accordée au livre: 6 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 15 €

Louis Adamic
Dynamite! - 1931
Laurent Zaïche (notes)
Lac-Han-Tse (notes)
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Laurent Zaïche, Lac-Han-Tse
Meudon : Sao Maï, octobre 2010
480 p. ; illustrations en noir & blanc ; 21 x 12 cm
ISBN 978-2-9531176-4-6

Une autre histoire de l'Amérique

L'étude est monumentale. Celle d'un immigré yougoslave installé dans la région de Chicago, syndicaliste, révolutionnaire, de tous les combats d'une classe ouvrière américaine singulièrement offerte à une violence de classe sans pareille dans l'histoire, qui se sera abattue sur elle pendant plus d'un siècle jusqu'à, sinon son éradication, du moins sa disparition idéologique. Dynamite ! a paru aux États-Unis en 1931. Livre manifeste, étude savante extraordinairement fouillée, c'est aussi une approche historienne novatrice, prenant pour objet celle d'une arme, la dynamite précisément, qui devint celle des démunis, quand l'honnêteté et l'intelligence sociale disparurent de la vie publique américaine. Une histoire de la dynamite donc, du rôle qu'elle joua dans les émeutes sociales et le combat de rue. Une arme terroriste, pour faire front au terrorisme d'État, quand les patrons n'hésitaient pas à recruter des nervis dans la pègre non seulement pour briser les mouvements de grève, mais liquider les syndicalistes trop virulents. Une histoire que Louis Adamic nous restitue au plus près des individus, immergés dans une violence que même les prolétaires russes ou chinois, voire ceux que la Révolution industrielle consomma sans faiblir en Angleterre ou en France, ne connurent jamais. C'est aussi une vision inédite d'une Amérique qui faillit basculer, dans les années 1860, dans la Révolution communiste. Et c'est encore, pour ce qui nous intéresse ici, à k-libre, tant l'ouvrage est riche et permet de multiplier les points de vue, une perspective ouverte sur la compréhension de la criminalisation de la société américaine, via l'infiltration du milieu ouvrier par la pègre et la montée en puissance de la figure du truand dans l'imaginaire social du travail américain.

Tout commence dans les années 1830. Face aux revendications des ouvriers, en particulier la journée des huit heures, le patronat arme des milices, réquisitionne l'armée et jette brutalement le monde du travail dans les bras de l'anarchisme le plus violent. Dans les années 1860, l'attentat à la dynamite de Haymarket, marqua le point d'achèvement de cette première phase d'une politique de la terreur menée abruptement dans la région de Chicago, alors la plus avant-gardiste en matière de lutte ouvrière, avant de se répandre dans tout le pays. Une répression sans précédent s'abattit sur la ville, conduisant à la rapide arrestation des responsables, condamnés sans procès et exécutés dans la foulée. Des foules immenses suivirent le cortège des exécutions en chantant la Marseillaise (!) dans un climat insurrectionnel. L'armée chargea ces foules, faisant des anarchistes des héros, tant sautait aux yeux de la population l'iniquité et l'injustice qui leur avait été faite. L'idée se fit jour alors qu'il ne servait à rien de tuer ces gauchistes, qui n'étaient que le résultat du désespoir d'une classe ouvrière jamais entendue. Mais face à l'expansion de la contestation populaire, le grand patronat n'hésita pas à fermer des usines, à détruire des bassins industriels entiers, à liquider économiquement les régions où la contestation avait le plus gagné de terrain. La police et l'armée appuyèrent les débordements de milices recrutées parmi les ouvriers jetés à la rue. La répression occupa les dix années qui suivirent l'attentat de Haymarket, brisant les mouvements syndicaux naissants, dressant les ouvriers les uns contre les autres. L'onde de choc de la répression fit reculer la conscience prolétarienne pour la livrer au contrôle de ses éléments les plus conservateurs ou les plus extrémistes.

C'est dans cette confusion, avec l'aide du grand patronat, que naquit le plus grand syndicat américain, l'AFL, (American Federation of Labour), qui recruta très vite dans la mafia ses éléments de combat. L'effet fut dévastateur sur le moral des ouvriers. Les patrons les infiltrèrent alors, liquidant physiquement les syndicalistes les plus authentiquement dévoués à la cause de la Révolution. On détruisit des sections entières, des syndicats légalement constitués. Des listes noires circulèrent, toutes les grèves lancées après Haymarket furent réprimées dans le sang et échouèrent. Le patronat venait d'ouvrir en grand le champ du travail aux criminels, qui infiltrèrent massivement cette guerre de classe, pour finir par jouer au fil du temps un rôle de tout premier plan et changer la nature de la lutte des classes sur le sol américain. On assista par exemple à un spectaculaire développement du racket comme moyen pour les grands syndicats de se procurer de l'argent. La Loi elle-même fut mise à contribution, favorisant les dérives mafieuses et la désespérance ouvrière. Pour fait de grève, les citoyens américains pouvaient perdre leurs droits constitutionnels et civils. Le monde ouvrier perdit alors toutes ses illusions sur la justice et l'égalité. À la fin du siècle, de grandes grèves secouèrent pourtant encore les États-Unis, comme celle de Homestead, exemplaire pour une bourgade de douze mille habitants, qui se vit du jour au lendemain occupée par l'armée. On éleva des barbelés pour entourer les usines et empêcher les ouvriers de s'y rendre. Des centaines d'entre eux furent tués dans des combats violents avec les milices patronales recrutées à l'occasion. La région entière passa sous la coupe du grand banditisme, avec la bénédiction des forces de l'ordre.

Partout, aux États-Unis, le sacrifice d'Homestead fut commenté. Jetant une nouvelle génération d'ouvriers dans la colère la plus extrême. Et l'Amérique connut encore une aube rouge au tout début du XXe siècle ! Le prolétariat ne désarmait pas. Jeté dans la misère par une poignée de magnats de la finance, des armées de gueux prétendirent encore marcher sur Washington. Les immigrants affluaient, le chômage explosait, le prix du labeur ne cessait de diminuer dans cette mise en concurrence diabolique de la main d'œuvre. L'expansion industrielle, l'accumulation des richesses organisaient dans le même temps la confiscation des pouvoirs exécutifs, législatifs, économiques, judiciaires, par une poignée de capitalistes sans vergogne. Rien n'y faisait : au tournant du siècle, le socialisme révolutionnaire demeurait toujours un horizon plausible. Fin 1905, l'Appeal, tribune socialiste, tirait à plus de trois millions d'exemplaires ! Jack London, Président de la Société Socialiste Interuniversitaire, publiait des livres que les foules s'arrachaient. Upton Sinclair vit son ouvrage, Jungle, devenir un bestseller. Pendant que Roosevelt menait campagne contre les citoyens "indésirables" et signait des ordres de liquidations sélectives. Des millions de dollars furent dépensés par ce même gouvernement pour ouvrir systématiquement des procès contre les socialistes, quand leur assassinat ne suffisait plus. À la longue, l'esprit militant, qui reposait sur la droiture, l'idéalisme, de nobles attentes, vola en éclat. Que faire en effet, contre une répression aussi illégale ? Les mouvements ouvriers recrutèrent à leur tour des professionnels du crime. Racket, sabotages, le militantisme disparut, tandis que les gangsters investissaient en masse le business syndical pour prendre le contrôle des organisations syndicales, nouveau secteur d'investissement de la mafia, avec le pouvoir politique. De nombreux prolétaires engagés dans l'action révolutionnaire rejoignirent alors la classe criminelle et promurent en devoir (duty) celui de cesser d'être un opprimé pour, chacun, assurer sa promotion personnelle. D'un bout à l'autre de la structure sociale américaine s'effondra la notion d'intégrité. La pauvreté, quant à elle, ne donna désormais plus lieu à des insurrections sociales, ni à des mouvements politiques radicaux, mais conduisit vers un monde plus souterrain, ou au suicide.
C'en était fini du socialisme révolutionnaire américain.

Citation

Après la guerre mondiale, il devint de plus en plus compliqué de se faire sa place au soleil en respectant les lois.

Rédacteur: Joël Jégouzo mardi 04 octobre 2011
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