Un enfant de Dieu

L'homme se relève en laissant glisser ses mains dans les poches de sa veste et commence à reculer vers la foule. Lawrence Vitti aperçoit par-dessus ses verres fumés des prunelles vert-de-gris à l'éclat intense. L'inconnu, en croisant le regard de Lawrence, propage aux iris bleus du jeune homme le virus noir de la mort.
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jeudi 28 mars

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Roman - Noir

Un enfant de Dieu

Psychologique - Tueur en série MAJ vendredi 13 février 2009

Note accordée au livre: 4 sur 5

Poche
Réédition

Tout public

Prix: 6,5 €

Cormac McCarthy
Child of God - 2008
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Guillemette Belleteste
Paris : Points, septembre 2008
170 p. ;
ISBN 978-2-7578-1019-4
Coll. "Roman noir", 611

Un mauvais garçon

La première scène d'Un enfant de Dieu est celle d'un homme démuni de sa maison, mise aux enchères. Une situation dont la triste actualité nous revient soudain en mémoire et prend un écho particulier avec ce qui suit. Car l'Homme tiré de la coquille de son habitat est soluble dans la nature, semble nous dire Cormac McCarthy, donnant un écho à une histoire vraie dans ce roman, son troisième exactement, écrit en 1973. Lester Ballard est jeté dans une éprouvette comme on ferait une expérience anthropologique. L'éprouvette contient tout ce que la nature peut, par la force civilisatrice de l'homme, rassembler de déchets, carcasses de voitures, frigo éventré, mais déchets humains aussi, comme un corps géant en état de décomposition déjà, pour filer la métaphore. C'est la campagne américaine dans ce qu'elle a de moins civilisé, du Délivrance de John Boorman à No Country For Old Men, tiré déjà du roman éponyme de Cormac McCarthy et adapté par les frères Cohen. Ici, le travail de la terre est loin de la bouille sympathique de Charles Ingalls. La terre casse les hommes, les avale ; les chariots attelés à des bœufs capricieux roulent sur les membres et brisent les jambes. Ici, ce sont les hommes qui sont sacrifiés. Lester fait office de grand prêtre et dérive au gré de ses pulsions, de ses sensations, en trouvant plus simple finalement, après plusieurs tentatives auprès des vivants, d'engager des relations sociales avec ses victimes, cadavres qu'il habille et qu'il loge.

C'est un pays où l'on est correct, ou pas correct. Et Lester est très incorrect. On le découvre peu à peu, par ses actes et par ce que disent de lui les gens qui l'ont connu, preuve incessante de son existence au sein du groupe, dans notre monde. On s'informe, comme un voisin inquiet, on a droit aux détails de sa vie, on est dans l'habit du concierge, du pochetron de bistrot, dans la fange qui a fait Lester Ballard. Le sens arrive ainsi peu à peu, doucement, comme on déchiffre un message en morse, au milieu de sensations subjectives qui ne cessent de dresser un décor toujours plus précis à la chute de l'homme. Le lecteur est à la fois témoin et acteur, pris dans un jeu de billard à trois bandes où le narrateur lui lance des boules qu'il ne peut que renvoyer malgré son dégoût, sa rancœur, son horreur… Comme pour mieux signifier que l'on a tous un Lester Ballard caché dans sa caverne. La prose est à l'image du personnage : dépourvu de sens commun, de ce que l'on pourrait appeler, nous, le cul sur un canapé, le sens commun. C'est décalé du propre, des grandes périphrases gentiment didactiques. Du style indirect libre pour l'ambiguïté et des dialogues qui sortent de nulle part, mais dont on comprend parfaitement le sens. Ballard ne pense plus mais reste des heures, là, accroupi sur ses talons, dans la montagne, à l'orientale, à regarder le même paysage, la même victime, à faire que la pensée flotte mais n'irrigue plus le cerveau, à s'épuiser de fascination pour son état de monstre naïf, miroir déformant de ses victimes, et finalement, à faire naître, sous la plume de Cormac McCarthy, des phrases sans verbe.

Citation

À observer ces choses qui émergent d'une matinée par ailleurs silencieuse et champêtre, un homme, devant la porte de la grange.

Rédacteur: Olivier Nouvel lundi 05 janvier 2009
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