L'Heure d'avant

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jeudi 28 mars

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Roman - Thriller

L'Heure d'avant

Énigme - Mafia MAJ jeudi 09 décembre 2010

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 17 €

Colin Harrison
Risk - 2009
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Renaud Morin
Paris : Belfond, septembre 2010
24 x 14 cm
ISBN 978-2-7144-4767-8
Coll. "Noir"

Jeux de mains...

Roger Corbett était un homme sans histoire. Un ancien de Wall Street ruiné comme il y en a beaucoup à New York, mais pas sans moyens – juste moins riche qu'il ne l'a été au temps de sa splendeur. Sa mort aussi aura été sans histoire, et sans mystère : trop absorbé par ses pensées, il s'est laissé faucher par un camion-benne en sortant d'un bar, au milieu de la nuit. Il n'y a rien de suspect ; c'est un accident et l'affaire est vite classée. Pourtant la mère de Roger engage un détective privé, un dénommé Hicks, pour enquêter. Oh, non pas sur les causes de la mort de son fils – c'est un authentique accident et elle ne conteste pas les conclusions du rapport de police. Non : ce qu'elle veut savoir, c'est ce que faisait son fils dans ce bar, pourquoi il y a passé les quatre dernières heures de sa vie. Le détective obtient des résultats, mais qui ne suffisent pas à sa commanditaire. Elle demande donc à George Young de reprendre les recherches au point où Hicks les a arrêtées.
George Young, la cinquantaine tranquille, marié-père de famille, lui aussi sans histoire, employé depuis de longues années du cabinet d'avocats fondé par feu l'époux de Mme Corbett. Sans histoire et sans éclat particulier, mais M. Corbett père l'avait à la bonne. Et George était très attaché à son patron. Alors oui, il accède à la demande de la vieille dame.

Avec pour tout bagage une "grande enveloppe verte" contenant les rapports de Hicks et quelques autres informations concernant le défunt, George Young commence à chercher. Ses investigations peu à peu envahissent sa vie et prennent un tour presque obsessionnel. Sans doute la rencontre avec Eliska, la maîtresse de Roger, y est-elle pour beaucoup – énigmatique Eliska, avec sa silhouette tout en longueur, ses yeux pâles et son parler émaillé d'erreurs syntaxiques... Eliska la Tchèque, "mannequin de détail" dont seules les mains sont starifiées et qu'elle ne montre jamais que gantées... Derrière ces mains hypnotiques, qu'Eliska habille et dissimule comme la vérité, soigne et entretient comme ses mensonges, George Young entrevoit de minces fils qu'il entreprend de suivre. À la clef ? de vagues lumières, fragiles, qui épaississent le mystère au lieu de le dissiper.

L'Heure d'avant a d'abord été un feuilleton publié par le New York Times Magazine à raison d'un épisode par semaine, avec toutes les contraintes d'écriture que cela suppose – calibrage du texte, insertion dans la trame du récit de rappels permettant aux lecteurs de rattacher dans leur souvenir les épisodes entre eux, etc. Au prix de quelques adaptations – sur lesquelles l'auteur s'explique ici – les quinze épisodes feuilletonesques d'environ deux mille mots chacun sont devenus un roman en douze chapitres. Un roman où l'on ne devine plus trace de cette première vie (sauf peut-être des récurrences un peu insistantes à propos des mains d'Eliska, qui peuvent aisément passer pour l'expression de l'emprise qu'elles exercent sur le narrateur) et qui fonctionne à la perfection : la transmutation est une réussite.
Outre que la matière noire en elle-même est intéressante parce que sous ses nuances mafieuses elle convoque un objet de trafic pour le moins intriguant, elle est modelée avec un art consommé de la narration : les chutes de chapitres sont aussi acérées qu'une lame de sabre, et chaque élément nouveau glané par le narrateur s'intègre au récit en apportant, avec ses éclaircissements, des questions inattendues. Et puis sous la matière noire, subreptices, des indices esquissent une autre affaire... dont il convient de ne rien dire à moins de vouloir briser la coquille de ce qu'il faut, dans une chronique, préserver d'un texte. Toutes caractéristiques qui signalent un excellent roman "à énigme" et celui-ci a, de plus, les attraits du récit "psychologique" : écrit à la première personne, il fait la part belle aux introspections du narrateur, qui s'emballent sous l'effet de ce bouleversement intervenu de façon si surprenante dans son existence confortable mais plate.

C'est donc entendu : on a affaire à un polar excellemment conçu. Qui prend un charme accru quand on a, avant lui, fréquenté d'autres romans de Colin Harrison. On constate alors combien l'auteur est maître de sa technique narrative : en moitié moins de pages qu'à son habitude, il parvient à construire un récit où l'on retrouve sa propension aux digressions et aux descriptions mais ramenées ici à des proportions parfaitement ajustées à une "distance" romanesque abrégée. Les connaisseurs auront surtout plaisir à retrouver, dans L'Heure d'avant cette singulière étrangeté si particulière aux livres de Colin Harrison. Une étrangeté qui n'est rien autre que rareté ou incongruité, qu'un rien suffirait à précipiter dans le fantastique ; une étrangeté qui, peut-être, reflète ce que communique à l'écriture du romancier la "personnalité" si j'ose dire de New York, cette ville qui a tant d'importance dans ses histoires, cette ville où il vit et où évoluent ses personnages, dépeints comme s'ils étaient transfusés par quelque sérum urbain propre à la Grosse Pomme...

Citation

Ces mains-là ne saisissaient plus, ne pinçaient plus, ne grattaient plus ; elles évoquaient l'immortalité et la perfection.

Rédacteur: Isabelle Roche jeudi 14 octobre 2010
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