La Descente de Pégase

Son accent de la réserve est une sorte de chant pur que Lewis n'avait jamais entendu depuis il ne sait pas combien de temps. Par réaction, sa propre voix, lissée à force de ne parler qu'avec des Blancs, s'envole comme s'il n'était jamais parti. Elle sonne étrangement dans sa bouche, ses oreilles, et il se demande s'il n'est pas en train de simuler.
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Roman - Noir

La Descente de Pégase

Ethnologique - Historique - Hard boiled MAJ mercredi 11 août 2010

Note accordée au livre: 3 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 21,5 €

James Lee Burke
Pegasus descending - 2006
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Patricia Christian
Paris : Rivages, mai 2010
406 p. ; 24 x 16 cm
ISBN 978-2-7436-2104-9
Coll. "Thriller"
Dave Robicheaux

Ce qu'il faut savoir sur la série

Habitant la Nouvelle-Orléans, Dave Robicheaux, a d'abord travaillé dans la police criminelle avant, de guerre lasse, de s'installer dans une petite boutique de location de bateaux et de ventes d'appâts. Son expérience de détective fait qu'il collabore souvent avec le shérif du Comté. Tout au long de ses aventures, Dave Robicheaux n'est pas épargné dans sa vie, ni dans sa peau. Sa première femme le quitte alors qu'il sombre dans l'alcool. Sa deuxième femme meurt assassinée alors qu'il recueille une naufragée salvadorienne. Dave Robicheaux a un énorme problème : il prend à cœur les affaires qu'il suit. Et cela empiète fort sur son quotidien !

Le lourd fardeau du passé

Une jeune étudiante est retrouvée morte devant sa maison. Il s'agit sans doute d'un suicide mais Dave Robicheaux peut-il se satisfaire de cette donnée ? Alors qu'il commence son enquête arrive dans ses jambes une jeune femme soupçonnée d'escroquerie. Or cette jeune est la fille d'un ancien ami de Dave mort sous ses yeux alors que, ivre, il n'a rien pu faire. Qui plus est, la délinquante se lance dans une passion amoureuse avec Clete, l'ami incontrôlable de Dave...
Et puis, l'enquête devient plus ardue car elle attire les agents du FBI et un procureur arriviste, qui tous s'opposent à Robicheaux.

Il existe deux écoles pour dire qu'un auteur est un grand auteur. Ceux qui imaginent qu'un écrivain doit se renouveler de livres en livres et offrir de nouvelles visions, et ceux qui pensent au contraire qu'un grand auteur est celui qui creuse son sillon, revient sans arrêt aux mêmes thèmes qu'il approfondit, complexifie à chaque essai pour atteindre une perfection formelle. Toujours est-il que James Lee Burke fait plus que sûrement partie de la deuxième catégorie. À présent, il connait sur le bout des doigts ses personnages qui s'installent dans l'action avec une rare sûreté. Ici, il développe notamment, à côté des personnages récurrents de sa série un jeune dealer noir qui essaye de s'en sortir quels que soient les moyens, légaux ou illégaux, qu'il emploie. Son art de la description des décors est maitrisé et il peut se concentrer sur ses thèmes favoris.
Le passé qui revient et ne passe pas, qu'il faudrait faire passer, s'incarne dans ce volume avec les enfants qui reprennent le chemin des pères, que ce soit avec la jeune fille dont on comprend depuis le début qu'elle vient chercher la vengeance auprès des truands qui ordonnèrent la mort de son père ou avec les fils des criminels qui ne peuvent que continuer dans les voies malsaines de leurs pères. Il s'incarne également dans le récit en flashback de Dave, dans une autre ville, une autre vie, au sortir de la guerre du Vietnam et dans la descente alcoolique, aidant un ami mais ne pouvant empêcher sa lente déchéance et le retour sur cette expérience en découvrant la fille de cet ami. Régulièrement, le roman revient sur des événements précédents, un peu comme pour montrer le chemin à des lecteurs inattentifs, mais surtout pour encore plus régulièrement faire revenir çà et là la surface du passé proche. À la fin du livre, James Lee Burke boucle son récit : récemment Bertrand Tavernier a adapté Dans la brume électrique, un roman de la même série, avec les morts confédérés en la transformant chronologiquement pour y intégrer Katrina. Or dans les dernières lignes, alors que l'ouragan est en train de dévaster la ville, Dave revoit les soldats confédérés, car nous devons assumer les fautes de notre passé, y compris du passé historique qui fonda ce que nous sommes de manière civilisationnelle.
Burke s'interroge sur le bien et le mal. Même si l'un des personnages de truands est décrit de manière à n'être qu'un boule de vice, insensible à tout, y compris sa propre douleur, l'ensemble des personnages n'est qu'une longue valse-hésitation entre ces deux pôles : Clete semble découvrir la rédemption en étant amoureux mais continue son chemin de destruction (et d'autodestruction), Dave aimerait vivre tranquillement avec sa nouvelle compagne mais ne peut se résoudre à laisser un monde gangrené par la violence, à l'image de cette intrigue : comment une jeune fille douce a-t-elle pu se résoudre au suicide ?
Derrière ces aventures individuelles, James Lee Burke n'oublie pas les "petites gens", montre également la réalité sociale (même si elle n'est qu'effleurée à travers le scandale des digues peu entretenues) par le biais du destin de deux personnages, qui, mine de rien, guide le roman de loin : le jeune dealer noir et la faune qui l'entoure d'un côté, et le père de la suicidée, qui viré de son entreprise parce que la rentabilité n'est plus là, espérait d'un avenir meilleur pour son enfant en lui offrant la faculté et l'éducation. Un portrait de taiseux qui acquiert de la force dans la deuxième partie de l'ouvrage.
La Descente de Pégase n'est pas le plus impressionnant des livres de la série. Il montre combien James Lee Burke sait naviguer entre des chemins balisés à l'extrême en insufflant une force, une rage et une volonté de vivre toujours intacte. On n'aimerait pas prendre les coups que Dave Robicheaux prend ou donne, mais on aimerait bien s'asseoir et boire une bière en regardant le coucher de soleil sur les bayous de la Louisiane.


On en parle : Alibis n°36

Citation

Mon irascibilité, le tremblement des mains et ce besoin qui me poussait à avaler un vodka Colins à midi résumaient mon être au monde.

Rédacteur: Laurent Greusard mercredi 11 août 2010
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